Manoeuvres Gazières
Article publié sur le site des Dernières Nouvelles d'Alsace, le 15/09/2011En Ukraine, fermer sa porte et calfeutrer ses fenêtres sont dorénavant des actes «de patriotisme et de survie», selon le Premier ministre Mikola Azarov. Dénonçant un contrat gazier «asservissant» avec la Russie, il a exhorté ses compatriotes à réduire leur consommation pour alléger la dépendance au voisin. La déclaration du chef du gouvernement laisse présager un hiver rude, pour l’Ukraine mais peut-être aussi pour l’Europe.Au cœur de la controverse se trouve l’accord négocié par l’ancien Premier ministre Ioulia Timochenko en janvier 2009, pendant la dernière «guerre du gaz». En plein milieu de l’hiver, le fournisseur russe Gazprom avait tout simplement fermé les vannes d’approvisionnement du gaz vers l’Ukraine pour défaut de paiement.
« Injuste et inacceptable »
Ioulia Timochenko avait alors conclu avec son homologue Vladimir Poutine un nouveau tarif d’importation, basé sur un montant fixe de 450 dollars/m³ et indexé sur le prix du pétrole. Ce dernier étant en hausse constante, l’accord s’est immédiatement révélé désavantageux pour son pays.L’affaire semblait pourtant avoir été réglée avec l’arrivée au pouvoir de Victor Ianoukovitch en janvier 2010. Il avait très vite obtenu une réduction de 100 dollars/m³ sur les importations gazières, en échange d’une extension du bail de la flotte russe de la Mer noire à Sébastopol, jusqu’en 2042. Et, très russophile, il ne semblait guère enclin à affronter le «grand frère» moscovite.Ces dernières semaines, il s’est cependant démené pour dénoncer le contrat de 2009. De fait, l’Ukraine, voisine de la Russie, en est maintenant arrivée à payer le même prix que l’Allemagne lointaine, malgré le rabais obtenu. Une situation jugée «injuste et inacceptable» pour un pays qui se relève à peine d’une crise économique dramatique.
Une perspective « irréaliste »
Le procès en cours de Ioulia Timochenko vise ainsi, entre autres, à établir l’illégalité de l’accord, afin d’entamer sa renégociation (DNA des 6 et 11 août).Les appels à l’efficacité énergétique et à la diversification des sources d’approvisionnement se multiplient, et Mikola Azarov a annoncé vouloir réduire les importations de gaz de deux tiers d’ici cinq ans. Une perspective «irréaliste» pour Dennis Sakva, analyste à la banque d’investissement ukrainienne «Dragon Capital».L’Ukraine consomme environ 75 milliards de m³ de gaz par an mais n’en produit que 20. Quant aux vastes projets récemment dévoilés d’exploitation de gaz de schiste et de parcs éoliens, ils demanderaient au moins une décennie pour être opérationnels.Pour l’heure, l’Ukraine semble donc condamnée au tête-à-tête avec la Russie. Le président Dimitri Medvedev estime «très triste» l’attitude de Kiev et refuse toute renégociation. Si aucun arrangement à l’amiable n’est trouvé d’ici au 15 octobre, les Ukrainiens comptent se référer à la Cour internationale d’arbitrage de Stockholm. Un bras de fer qui pourrait rapidement affecter l’Union européenne, encore dépendante du système de distribution ukrainien, malgré la mise en service prochaine du gazoduc Nord Stream.En Ukraine, fermer sa porte et calfeutrer ses fenêtres sont dorénavant des actes «de patriotisme et de survie», selon le Premier ministre Mikola Azarov. Dénonçant un contrat gazier «asservissant» avec la Russie, il a exhorté ses compatriotes à réduire leur consommation pour alléger la dépendance au voisin.