RSE: En Ukraine, Sois Belle ou Etudie. Pas les deux.
Brève publiée sur le site de Regard sur l'Est, le 23/05/2012
Etudier en Ukraine rendrait les filles moches, ou en tout cas moins attirantes que les autres Ukrainiennes, selon le ministre de l'éducation Dmytro Tabachnyk.Mauvaises infrastructures, faibles bourses d'étude, manque de soutien de l'encadrement pédagogique ou encore corruption rampante à l'approche des examens: malgré les ressources certaines de l'éducation supérieure ukrainienne, nombreux sont ceux qui assimilent poursuivre des études de haut niveau à un acte de bravoure. Mais quand le ministre D.Tabachnyk, s'en mêle, cela devient carrément de l'héroïsme.Très décrié pour son style hautain et ses dénigrements répétés de la langue et de la culture ukrainiennes au profit du russe, D.Tabachnyk a transcendé cette fois la composante ethnique pour viser ses étudiantes, en général. «Je ne pense pas redécouvrir l'Amérique en déclarant que les filles qui étudient dans la magistrature ou dans les programmes postdoctorat sont moins radieuses, moins attirantes et ont moins une apparence de mannequin [que les autres femmes ukrainiennes]».
Une déclaration qui remettrait sérieusement en question la pertinence des études supérieures pour les jeunes Ukrainiennes. Lundi 21 mai, une dizaine d'étudiantes en médecine et en droit ont donc manifesté devant le ministère de l'éducation, afin de demander excuses et conseils au ministre. Ou sa démission, au choix. Sur leurs pancartes, l'aveu de leur détresse : «Je lis, donc je suis moche!» Ou encore, une photo de D.Tabachnyk intitulée «La Belle», mise en opposition avec la photo d'une étudiante, «La Bête».
De ministre, on n'en vit point. Mais au bout de longues minutes d'attente, trois hommes en costume sont sorti du ministère, portant des fleurs et des excuses de la part de D.Tabachnyk. «Mesdemoiselles, vous êtes vraiment belles!» ont-ils déclamé plusieurs fois. En vain. Les manifestantes ont repoussé les fleurs et refusé les excuses, et sont finalement reparties faire face à la consternante laideur de leur excellence académique.
La première réaction officielle est venue du Premier Ministre, Mykola Azarov. Dans la matinée du 21 mai, son statut Facebook affichait une prise de distance avec les propos du ministre de l'éducation, probablement «très fatigué par son travail». Ce dernier a attendu mardi 22 mai pour déclarer : «Je regrette que les médias se permettent de telles utilisations arbitraires de citations officielles. Parce que celle-ci est presque sans rapport avec ma déclaration d'origine […] vous m'avez mal compris!»