RSE: La propagande gay de la Belle au Bois Dormant
Brève publiée sur le site de Regard sur l'Est, le 16/10/2012La Belle au Bois Dormant ne se rendormira plus. L'exposition de l'artiste canadien-ukrainien Taras Polataiko, présentée à Kiev, avait fait sensation à travers le monde en septembre dernier. Dans une pièce vide, aux murs blancs, du musée national d'art d'Ukraine, sur un lit en hauteur, il avait installé une jeune fille, étendue, yeux fermés, l'air assoupi. N'importe quel visiteur, homme ou femme, pouvait entrer dans la salle, s'approcher de la Belle et lui donner un baiser. Avec une condition: si la jeune femme se réveillait, un contrat signé au préalable engageait les deux tourtereaux à se marier. Au cours de l'exposition, une des cinq Belles qu'il avait engagé a ouvert les yeux au baiser... d'une autre jeune fille. D'un commun accord, elles avaient cependant décidé de ne pas aller jusqu'à l'hôtel.«La Belle au Bois Dormant» avait fait grand bruit en Ukraine et au-delà. T.Polataiko avait manqué d'être censuré par le ministère de la culture au début de la performance. Il avait bénéficié d'une couverture médiatique inattendue. L'artiste se disait fier d'avoir «donné vie à un conte de fée» et de l'avoir «adapté à la réalité d'aujourd'hui», ancrant sa réflexion dans la seule esthétique. Il expliquait aussi vouloir faire de son œuvre une métaphore de l'apathie de la société ukrainienne, qui attendrait patiemment un changement. Il avait soigneusement écarté les critiques acerbes l'accusant de renforcer le stéréotype de la «femme ukrainienne»: belle, passive, écervelée et en attente d'un «étranger», d'un inconnu, pour l'épouser.(Photo: Taras Polataiko)Lire l'interview de Taras Polataiko (en anglais)Mais un mois après la fin de l'exposition, ce n'est pas de sexisme dont «la Belle au Bois Dormant» est accusée: c'est de promouvoir l'homosexualité. Début octobre, le ministère de la culture ukrainien a reçu une plainte de «l'Eglise Ukrainienne Orthodoxe Gréco-Catholique» (EUOGC), dénonçant la performance comme une «promotion de la perversion». D'après la lettre, rendue publique, «un certain nombre de lois propagent la perversion de l'idéologie LGBT, et cette action n'est pas innocente. C'est un outil idéologique pour la promotion de la perversion. Ce dont il s'agit, c'est d'un changement systémique dans la manière de penser de la société». Il est à noter que cette Eglise n'est pas officiellement enregistrée en Ukraine, où sont bien établies les Eglises orthodoxe d'une part, et gréco-catholique d'autre part. Néanmoins, en réponse, le ministère de la culture a demandé à la direction du musée national d'art de fournir une explication sur le contenu de l'exposition.L'affaire intervient alors qu'une loi controversée a été adoptée en première lecture à la Verkhovna Rada (Parlement ukrainien) le 2 octobre. La loi prévoit l'interdiction de toute «propagande homosexuelle» dans l'espace public, sous prétexte de protéger les enfants et mineurs de toute information néfaste à leur bon développement. Toute diffusion d'un discours relatif à la communauté LGBT dans la presse, la télévision, la radio, l'école ou encore la rue, serait punie. De telles considérations ne sont pas une nouveauté en Ukraine. Le dessin animé «Bob l'éponge» ou encore la série «Teletubbies» font déjà débat et pourraient être prohibés. Mais si la loi était adoptée en seconde lecture et signée par le Président Victor Ianoukovitch, elle instaurerait de lourdes peines allant jusqu'à 5 ans de prison. Et le musée national d'art d'Ukraine pourrait porter la responsabilité d'avoir abrité le baiser de deux femmes en son sein. Pour Taras Polataiko, il s'agirait aussi là d'une manœuvre politicienne de l'EUOGC afin de discréditer l'Eglise gréco-catholique d'Ukraine et ses soutiens politiques avant les élections législatives du 28 octobre. Quoi qu'il en soit, force est de constater que «la Belle au Bois Dormant» n'était pas qu'une question de conte de fées et d'esthétique. En Ukraine, comme ailleurs, l'art est éminemment politique.