RFI: L'Ukraine s'engage dans l'exploitation du gaz de schiste
Chronique diffusée dans Bonjour l'Europe, le 24/01/2013L'Ukraine est bien connue pour ses guerres du gaz avec la Russie. Cette année, la situation est plus calme, et le gouvernement travaille activement à une diversification de ses sources d'approvisionnement. Le premier ministre a annoncé qu'un accord majeur va être signé aujourd'hui avec le géant pétrolier anglo-hollandais Shell ; un accord qui ouvre la voie aux premières explorations des ressources en gaz de schiste, dont le sous-sol ukrainien serait très riche. Pourquoi est-ce que Shell s'intéresse aux réserves ukrainiennes ? Que prévoit l'accord ? L'accord qui doit être signé aujourd'hui, c'est un accord de partage de production entre le gouvernement ukrainien et la compagnie Royal Dutch Shell. Le contrat d'exploitation doit encore être signé au printemps pour que l'exploitation commence d'ici quelques années, mais cet accord est la dernière étape avant l'exploration du gisement de Yuzovska, dans l'est de l'Ukraine. Selon les estimations, il y aurait environ 1,2 trillion de mètres cube de gaz dans le sous-sol ukrainien, ce qui ferait du pays la troisième réserve de gaz de schiste en Europe, après la France et la Norvège. Alors pour l'Ukraine comme pour Shell, l'exploitation de ces réserves serait un contrat très juteux. On estime que la compagnie pourrait investir au moins 7 milliards d'euros dans cette affaire, ce qui en ferait le plus gros investissement étranger en Ukraine. Mais pourquoi le gaz de schiste ? Le gaz n'a jamais vraiment coûté cher pour les Ukrainiens, pourquoi ce besoin de diversification ? Le gaz ne coûte pas trop cher pour les citoyens ukrainiens, vous avez raison. Mais c'est parce qu'il est subventionné par l'Etat. Mais l'Ukraine est quasi-totalement dépendante du gaz importé de Russie, et elle le paie au prix fort. Dans le dernier trimestre 2012, le prix pour 1000 mètres cubes s'élevait à 430 dollars, soit plus que ce que l'Allemagne paie. C'est très lourd pour le budget de l'Etat, ça maintient l'Ukraine sous forte dépendance de la Russie, et ça provoque beaucoup de tensions, par exemple les fameuses guerres du gaz comme vous l'avez mentionné. Le gaz de schiste, c'est une des pistes explorées par les Ukrainiens pour tenter de se défaire de cette emprise russe. Et si la taille des réserves se confirme, ça pourrait faire une différence majeure. En 2012 par exemple, l'Ukraine a consommé 41 milliards de mètres cube de gaz naturel. Et bien selon les prévisions, on pourrait produire plus de 20 milliards de mètres cube de gaz de schiste d'ici 2025, soit la moitié de la consommation nationale. Mais il y a pourtant de grosses inquiétudes sur l'exploitation du gaz de schiste. Ici en France par exemple, le débat est vif et l'exploitation est interdite depuis 2011. Y-a-t-il un consensus sur cette question en Ukraine ? Non, non, il n'y a pas de consensus en Ukraine. En fait, l'accord qui doit être signé aujourd'hui concerne un gisement dans l'est du pays, des régions qui sont très favorables à la politique du gouvernement. Mais dans l'ouest du pays, il y aurait un second gisement très important, et la compagnie pétrolière américaine Chevron a remporté un appel d'offre pour l'exploiter. Mais là, l'accord est bloqué par les autorités locales, des écologistes et des associations de citoyens, qui dénoncent les risques de l'exploitation du gaz de schiste pour l'environnement et la santé.Mais surtout, c'est le parti nationaliste Svoboda, affilié au Front national français, qui organise le blocage. Il veut plus de concertation avec les populations locales et prend la défense des écologistes. Pour une député du parti, Iryna Sekh, l'exploitation du gaz de schiste serait tout simplement une « catastrophe ». Pour l'instant, cette opposition est très localisée, mais elle pourrait bien changer la donne dans les années à venir.Ecouter la chronique ici