RFI: Failles du système judiciaire en Ukraine

Intervention dans l'émission "Bonjour l'Europe", diffusée le 05/02/2013

En Ukraine, le système judiciaire est dénoncé depuis longtemps comme partial et sélectif. Evidemment, on pense à l'affaire retentissante de la persécution politique de l'ancienne première ministre Ioulia Timochenko et de ses alliés. Mais les failles du système touchent avant tout les citoyens ordinaires. Il y a un cas en ce moment qui fait beaucoup de bruit, c'est l'emprisonnement d'un père et de son fils pour le meurtre d'un juge en 2011. Beaucoup considèrent que la condamnation est injuste, et des médias, des artistes, et même un groupe de fans du célèbre club de foot du Dynamo Kiev se mobilisent. Ils viennent d'envoyer une pétition au président américain Obama.

En quoi consiste cette affaire ? Et pourquoi est-ce qu'on conteste cette condamnation?

Et bien, c'est une affaire qui remonte à mars 2011. Un juge de Kiev, spécialisé dans le règlement de contentieux immobiliers, est retrouvé assassiné chez lui. La police privilégie tout de suite la piste de Dmytro Pavlichenko, 47 ans, et de son fils, Sergiy, 19 ans. parce qu'ils avaient été expropriés de leur appartement par le juge. On pensait donc que le mobile était tout trouvé. On les a arrêté dans les 3 jours, on a enregistré leurs aveux, il y a eu procès et ils ont été condamné, le père à la prison à perpétuité, le fils à 13 ans de réclusion.

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Mais en fait ça n'a pas l'air aussi simple que ça. Les témoins entendus ont produit des déclarations confuses et contradictoires. Les Pavlichenko se plaignent d'avoir eu un accès limité à leurs avocats et d'avoir du signer des aveux sous la pression. La police se défend, affirme que l'enquête a été « objective et impartiale ». Mais le juge assassiné avait rendu plusieurs jugements qui avaient contrarié un certain nombre de grosses compagnies, alors on ne voit pas pourquoi la police s'est concentré uniquement sur les Pavlichenko.

Pour un activiste des droits de l'homme, Igor Lutsenko, ils sont victimes des méthodes de la police ukrainienne qui vise souvent à trouver le coupable, plutôt qu'à le rechercher. Et l'affaire est devenue un cas d'école de l'opacité du système judiciaire ukrainien.

Et donc aujourd'hui, il y a une mobilisation très vivace, notamment orchestrée par des fans de football ?

Oui, le fils Sergiy est un ardent supporter du Dynamo Kiev, le célèbre club de foot de la capitale, et il fait partie d'un groupe de fans très bien organisé, qui se sont montrés très solidaires de cette cause. Ils ont créé un site internet en plusieurs langues, utilisent les réseaux sociaux, distribuent des tee-shirts et des prospectus dans les rues de Kiev et organisent des manifestations, il y en aura d'ailleurs une demain.

1353891881-ukrainian-ultras-demand-for-justice--kyiv_1631826Et toujours avec les couleurs du Dynamo Kiev et avec le soutien des plus grands joueurs du club. Ca marche assez bien, parce que le message est très relayé par la presse, par des défenseurs des droits de l'homme et aussi par des artistes.

Et en plus, comme on le disait, cette mobilisation arrive même à être entendue à l'étranger ?

Oui, vous avez raison. D'abord dans les milieux du football : lors de matchs dans des stades en Russie, en République tchèque, et même au Danemark et en Autriche, on trouve des bannières que des supporteurs brandissent, réclamant la libération des Pavlichenko. Il y a aussi des dizaines de lettres envoyées au Parlement européen. Dernier épisode en date comme vous le disiez : ils ont initié une pétition en ligne sur le site du gouvernement américain, adressée au président Obama, pour qu'il intercède en la faveur des Pavlichenko. En fait, il faut que la pétition récolte 100,000 signatures avant le 25 février pour que la Maison Blanche en prenne compte. Pour l'instant, il y en a à peine 7.000. Donc on va voir si ça fonctionne. Mais en tout cas, c'est une mobilisation inédite ici, qui exprime une véritable frustration des Ukrainiens contre leur système judiciaire.

Ecouter l'intervention iciIntervention da http://www.rfi.fr/emission/20130205-ukraine-justice-selective-club-foot

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