RFI: 10 jours de blocage du Parlement ukrainien

Intervention dans l'émission "Bonjour l'Europe", diffusée le 15/02/2012

-Photo: AFP

Le Parlement ukrainien devait reprendre ses travaux après une longue pause hivernale le 5 février dernier. Mais au lieu de ça, les partis d'opposition ont occupé l'hémicycle, et ça se poursuit encore jusqu'à aujourd'hui, donc depuis 10 jours. Des pourparlers devraient se tenir aujourd'hui pour tenter de débloquer la situation, mais l'opposition n'est pas prêt de céder. Et si ça continue, on pourrait aller vers des élections anticipées.Le parlement ukrainien est connu pour ses échanges d'insultes et même des combats au poing. Mais cette fois, c'est différent, de quoi s'agit-il ? Et bien cette fois, l'opposition proteste contre le système des pianistes, c'est à dire un député qui vote pour des dizaines d'autres de son groupe parlementaire, tandis qu'eux sont absents, on ne sait où. La pratique est courante, bien que contraire à la constitution. Le parlement ukrainien est très connu pour l'absentéisme de ses députés, des députés qui sont pour beaucoup des hommes d'affaires qui ne sont en fait intéressés que par l'immunité parlementaire et pas vraiment par siéger à l'assemblée.Alors comme vous le rappelliez, il y a dix jours, les partis d'opposition occupent le perchoir de l'Assemblée, ils couvrent les murs de l'hémicycle de pancartes et de banderoles, et ils empêchent le début de la séance pleinière. Et pour être sûr que la majorité du Parti des régions ne tente pas un coup de force, certains députés dorment dans l'hémicyle ! On voit ainsi des photos du champion de boxe Vitali Klitschko, aujourd'hui un des leaders de l'opposition, pique-niquer sur les bancs de l'Assemblée et dormir dans un sac de couchage. Pour dire la vérité, vu d'ici, toute cette situation a viré un peu au grotesque.Justement. Maintenant devrait se tenir une des premières sessions de l'assemblée depuis les élections de novembre 2012 : ça veut dire quoi pour la vie parlementaire après ces élections ?Et bien ça veut d'abord dire que l'opposition est très remontée contre la majorité, fidèle au président Victor Ianoukovitch. Il est en poste depuis 2010, et on le considère comme de plus en plus autoritaire et corrompu. Aux élections de novembre, les forces d'opposition combinées n'ont récolté que 178 des 450 sièges au Parlement, et donc elles représentent à peine une minorité de blocage. Elles ont donc opté pour un face-à-face frontal et pour une perturbation systématique des travaux parlementaires. Vous vous rappelez peut-être : L'assemblée s'est ouverte le 12 décembre, et déjà ce jour là, il y avait eu une émeute dans l'hémicycle. Les députés d'opposition avaient tenté d'empêcher l'élection du président de la chambre, Volodymyr Rybak, qui est dénoncé comme un vendu au gouvernement.En fait on se demande vraiment si c'est constructif dans la durée. Mais en tout cas c'est une stratégie que l'opposition met en oeuvre et pas seulement au parlement. Par exemple, le parti nationaliste Svoboda demandait que les débats sur le budget de la municipalité de Kiev soient rendus publiques. Et bien la semaine dernière, 300 manifestants ont envahi la mairie et l'ont occupé pendant deux jours. Ca laisse entrevoir la qualité du débat politique pour les prochaines années.Mais peut-être qu'on n'ira pas aussi loin : on parle maintenant d'élections anticipées... ?Oui, alors comme vous le disiez, il y a des pourparlers qui vont commencer aujourd'hui, pour tenter une réouverture du Parlement le 19 février. D'un autre côté, la majorité a laissé entendre qu'elle pourrait recourir à la force pour débloquer la chambre. Mais en toute probabilité, l'occupation va encore durer. Et si ca se poursuit encore pendant 20 jours, le président Ianoukovitch est obligé par la constitution de dissoudre l'assemblée et d'organiser de nouvelles élections. C'est encore une perspective lointaine. Mais en tout cas, les députés d'opposition, eux, ont l'air prêts à aller jusqu'au bout.Ecouter l'intervention ici

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