RFI: Guerre du Chocolat entre l'Ukraine et la Russie

Intervention dans l'émission Bonjour l'Europe, le 07/08/2013De nouvelles tensions entre l'Ukraine et la Russie. Mais cette fois, ce n'est pas une guerre du gaz, c'est une guerre du chocolat. Le 29 juillet, les autorités sanitaires russes ont annoncé une interdiction formelle d'importation de chocolat et confiseries ukrainiens. C'est une interdiction très ciblée, puisqu'elle touche les produits d'une seule marque, Roshen, un des plus gros producteurs de confiserie du monde. Mais ce serait un conflit commercial qui cacherait bien d'autres choses. ROSHEN_Vinnitsa_2008_G1Pourquoi une interdiction d'importation sur ce produit en particulier?Et bien officiellement pour des « violations systématiques » des normes sanitaires. Les autorités sanitaires fédérales russes auraient trouvé du Benzopyrène, un composant chimique nocif, dans des tablettes de chocolat distribuées à travers la Russie. Et donc ils ont banni les importations de 90% des produits de la marque. Roshen conteste l'accusation et affirme n'avoir reçu aucune plainte en 15 ans d'activité, et demande des tests plus approfondis. Des négociations sont en cours, mais cela fait déjà plus d'une semaine que l'interdiction est en place.Pour situer un peu, Roshen, c'est un producteur ukrainien de confiserie et de chocolat, près de 450.000 tonnes de produits par an et plus de 200 sortes de douceurs. La marque est classée 15ème parmi les plus grands confiseurs mondiaux. A titre personnel, ici en Ukraine, j'en mange beaucoup de ce chocolat, et je dois dire qu'il est très bon. Malheureusement, on en trouve difficilement en France, mais la marque exporte quand même à travers toute l'ex-URSS et vers l'Amérique du Nord. Et quand on parle de la Russie, c'était un marché d'exportation de plus en plus important : l'an dernier, les ventes y avaient bondi de 175% . Et c'est justement cela qui est embêtant pour Roshen et le chocolat ukrainien. Mais en fait il s'agit d'une attaque contre la compagnie Roshen ou contre l'Ukraine ? Et bien, vu que la décision russe vise un confiseur en particulier, il y a une première possibilité, qu'il s'agisse d'un règlement de comptes entre oligarques. Le milliardaire ukrainien Petro Poroshenko, fondateur de la compagnie, était un fervent soutien de la Révolution orange de 2004 avant de retourner plusieurs fois sa veste. Il n'a donc pas que des amis, en Ukraine comme en Russie. Seconde explication : cela pourrait tout simplement être une mesure de protection du marché intérieur russe de cette concurrence ukrainienne. Mais le plus probable, c'est qu'il s'agisse d'une réaction de la Russie contre une taxe d'importation, récemment adoptée par Kiev, sur les voitures étrangères. En fait une simple mesure de représailles. Pour preuve : la plupart des autres pays importateurs du chocolat ukrainien, comme le Kazakhstan ou la Moldavie, ont mené leurs propres tests, et continuent malgré tout à importer. Mais pour replacer les choses dans leur contexte, il faut voir que cette mesure de représailles intervient à quelques mois d'une décision historique sur la signature d'un Accord d'association et un accord de libre-échange avec l'Union européenne. De son côté, Moscou tente de persuader Kiev de rejoindre une union douanière qu'elle forme avec le kazakhstan et le Bélarus. Ce serait donc une enième tentative de dissuasion d'un éventuel rapprochement avec l'Union européenne. Pourquoi cette dissuasion ? L'Ukraine ne peut pas se rapprocher à la fois et de l'UE et de la Russie ? Pas exactement. Il est fort peu probable que l'Ukraine puisse bénéficier d'un traitement préférentiel à la fois avec l'UE et avec la Russie. Cette dernière considère l'Ukraine comme une pièce essentielle de ses ambitions géopolitiques. Elle s'efforce d'agiter à la fois la carotte et le bâton. Et on a l'impression que c'est exactement ce qui se passe maintenant. Volodymyr Ohryzko, ancien ministre ukrainien des affaires étrangères, prévient que ce genre de mesures de représailles risque de s'intensifier dans les mois qui viennent. Là on parle de chocolat. Mais si on en venait à cibler un autre secteur, comme le gaz encore une fois, cela pourrait devenir très problématique pour l'Ukraine. Ecouter l'intervention ici

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