RFI: Deux mois de Guerre du Chocolat

Reportage diffusé dans l'émission Accents d'Europe, le 25/09/2013Les chocolats Roshen, ça vous dit quelque chose ? Peu connues encore en France, ces confiseries ukrainiennes symbolisent aujourd’hui la guerre commerciale qui se joue entre la Russie et son ancien satellite. Les chocolats, exportés dans de nombreux pays, ne franchissent plus la frontière vers la Russie. Il y a deux mois, les autorités sanitaires russes ont déclaré un embargo sur ces produits. Une décision qui ressemble à une sanction envers l’influent propriétaire pro-européen de Roshen.

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Les bâtiments aux couleurs vives de la chocolaterie Roshen, dans le sud de Kiev, abritent toujours une activité fébrile. Au rythme de la cadence des tapis roulants, des centaines de chocolats défilent sous les yeux du visiteur. Avec cette question qui trotte dans la tête : où vont ces chocolats ? Le 29 juillet, les autorités sanitaires russes ont déclaré un embargo sur les confiseries de la marque après y avoir, disent-elles, trouvé du benzopyrène, un produit nocif à la santé. Or, Roshen exportait entre 10 et 15% de sa production vers la Fédération. C'est donc un coup dur. Petro Poroshenko est le propriétaire de Roshen. L'oligarque est l'un des hommes les plus riches et influents d'Ukraine, par ailleurs favorable à l'intégration européenne de son pays. Il y voit clair dans le jeu de la RussiePoroshenko: Je pense que la composante politique est très importante. Mais Roshen essaye de ne pas attirer trop d'attention politique et de régler le problème de manière politique. Mais tout le monde en Russie, en Occident et en Ukraine comprend que pour les chocolats ukrainiens, ça n'a rien à voir avec la sécurité alimentaire. A la mi-août, le conflit commercial a dégénéré en un blocus total de tous les produits ukrainiens à destination de la Russie. Des colonnes de camions et trains ont été bloqués plusieurs jours à la frontière. Un quart des exportations ukrainiennes étant dirigées vers la Russie, des estimations alarmistes prédisaient des pertes colossales pour les compagnies ukrainiennes. Finalement la situation s'est apaisée et les échanges ont repris, sauf pour le chocolat. Les autorités sanitaires russes multiplient les conditions à la résolution du problème. Ihor Shevliakov est analyste politique à l'institut de politique publique à Kiev. Pour lui, cet acharnement est à la fois une manœuvre de protection du marché intérieur russe, et une frappe très ciblée. Ihor: C’est une attaque dirigée contre l'un des gros hommes d'affaires ukrainiens. Piotr Prochenko est un homme d'affaires et un homme politique, député, ancien ministre dans différents ministères. Et il est pro-européen depuis des années. Et puis le marché intérieur russe de l'alimentation est saturé, très concurrentiel. La Russie peut donc se passer de Roshen, au moins pendant un certain temps. La  cible a été bien  choisie pour montrer ce qui pourrait se passer si l'Ukraine ne se montrait pas obéissante. Ne pas obéir à la Russie, ça veut dire signer un Accord d'Association avec l'Union européenne à Vilnius en novembre prochain. Le Kremlin a toujours regardé d'un mauvais œil toute velléité de rapprochement de l'Ukraine avec les Européens. Vladimir Poutine cherche à tordre le bras à Victor Ianoukovitch dans l'espoir de voir l’Ukraine intégrer plutôt  l'Union douanière existante entre la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan. Ce serait la première étape à la formation d'une grande Union eurasienne. Au-delà des inquiétudes sanitaires, il s'agirait bien de mesures purement politiques. La meilleure preuve, c'est que tous les autres importateurs de produits Roshen, -Biélorussie, Kazakhstan ou Moldavie-, continuent à acheter ces douceurs. Et après deux mois d'affrontement, l’embargo imposé par la Russie ne semble pas avoir eu les effets escomptés. L'opinion publique n'a jamais été aussi pro-européenne, et les Occidentaux prennent la défense de l'Ukraine. Hillary Clinton était à Yalta, en Crimée, le week-end dernier : elle a vanté les « excellents chocolats ukrainiens qui peuvent être exportés partout dans le monde ». Même au sein du parti des régions du Président Ianoukovitch, pourtant jugé très russophile, les critiques fusent. Le député Volodymyr Oliynyk est l'un des plus déçus. Volodymyr: La Russie se comporte avec nous comme si nous faisions encore partie de l'URSS. Moi je dis qu’on ne peut pas se conduire de cette manière entre partenaires, ce n'est pas convenable. Est-ce vraiment la manière de nous inviter à rejoindre l'Union douanière ? par le chantage ? Et des méthodes brutales ? Ca ne marche pas comme ça. Pourtant, le Kremlin ne lâche rien. Ces dernières semaines, la Russie a ajouté à la guerre du chocolat,  une guerre du vin contre la Moldavie, une guerre du fromage contre la Lituanie, et même une guerre du lait contre la Biélorussie. Avec des justifications plus ou moins valables. Dans un des magasins de la marque Roshen à Kiev, les clients continuent à affluer. Les ventes de Roshen en ukraine ont bondi de 13% depuis le mois d'août. Parmi les amateurs de friandises dans le magasin, de nombreux touristes russes, qui font le plein de confiseries avant de retourner au pays. Pour une cliente venue de Moscou, c'est assez simple : Cliente: Tout ça c'est de la politique. Moi j'aime le goût de ces chocolats. Les négociations continuent avec la Russie pour normaliser la situation. Personne ne s'attend néanmoins à ce qu'une solution soit trouvée avant le sommet de Vilnius en novembre, et encore. Petro Poroshenko s'assure confiant quant à la réouverture du marché russe. Mais il regarde déjà ailleurs. Et il pourrait donc devenir bientôt plus simple de trouver des bons chocolats ukrainiens en France. Ecouter le reportage ici

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