Libération: A Kiev, «ils nous ont volé la promesse de l'Europe»

Article publié sur le site de Libération, le 29/11/2013
* Mise à jour au 30 novembre, 10H30: Entre 4 et 5 heures du matin, heure de Kiev, les unités "Berkut", forces spéciales de la police ukrainienne, sont intervenues pour évacuer Maidan Nezalezhnosti. Quelques blessés, des dizaines d'arrestations, et l'EuroMaidan, dans sa forme d'occupation citoyenne de la place principale de la capitale, était terminé. Des ouvriers travaillent en ce moment à nettoyer la place, et à y installer un marché de Noël, sous haute protection policière.
Maidan Nezalezhnosti, 30 novembre

Manifestations et contre-manifestations se poursuivent dans la capitale ukrainienne après le refus de Viktor Ianoukovitch de signer un accord historique avec Bruxelles.

«Tout le monde est pro-européen aujourd’hui ! C’est juste que nous sommes plus pragmatiques.» Avec une indifférence marquée, Ihor agite mécaniquement son drapeau européen sur Europeiska Ploscha (la Place de l’Europe) à Kiev. Comme des milliers d’autres, il s’est rendu sur place à l’appel du Parti des Régions, la formation du président Viktor Ianoukovitch, pour réaffirmer l’engagement européen du régime de Victor Ianoukovitch. Un engagement à retardement, semble-t-il, puisque l’Ukraine, sous la pression de Moscou, a suspendu au dernier moment l’accord d’association qu’elle devait signer avec Bruxelles ce vendredi à Vilnius. «Notre économie n’était pas prête. Je viens de l’est du pays, là-bas ils disent que les industries fermeraient, et qu’on ne pourrait plus exporter nos produits vers la Russie», explique Oleksandr, qui lui agite un drapeau ukrainien.«Vous savez que cette manifestation est artificielle !? Les gens sont payés pour venir ici !», s’emporte Serhiy, qui est venu prendre des photos de la manifestation. Ces derniers jours, des annonces de recherche de «foules» ont circulé sur l’Internet ukrainien, offrant 7 euros pour participer à une manifestation sur la Place de l’Europe. Bien qu’il soit difficile de prouver quoi que ce soit, les partis s’accusent mutuellement de payer leurs manifestants.Il y a quelques jours, le 24 novembre, c’est ici que l’opposition avait rassemblé 100 000 personnes pour contester la décision de Victor Ianoukovitch. «De l’autre côté, ce sont des étudiants, ça me semble plus spontané. Mais ils manquent de moyens, je ne sais pas combien de temps ça va durer… », commente Serhiy. L’autre côté, c’est, à quelques centaines de mètres, Maidan Nezalezhnosti (Place de l’Indépendance), où le mouvement «EuroMaidan» a pris ses quartiers depuis neuf jours. La place est couverte de pancartes et drapeaux, de braseros et d’installations de fortune. C’est de là qu’est partie ce vendredi une chaîne humaine en direction de l’Ouest pour relier symboliquement l’Ukraine à l’Europe. 20 000 personnes y ont participé, selon les organisateurs.A Kiev ce vendredi. (Photo Sergei Supinski. AFP)Les occupants, en majorité des étudiants, ne cachent pas leur amertume. «Je n’arrive pas à croire qu’on n’ait pas été entendus», se désole Dasha, jeune étudiante qui a passé les dernières nuits sur place. «On ne s’attendait pas à un ticket gratuit pour Disneyland. Mais l’association avec l’UE, c’était la promesse de plus de justice, de moins de corruption, d’une plus grande liberté de circulation… »«Ils nous ont volé cette promesse, et je ne sais pas quel pays ils nous réservent à la place ! Honte sur eux ! », renchérit Nastya, une de ses camarades. A ces mots, les groupes environnants reprennent en chœur «Honte ! Gloire à l’Ukraine !».L’incertitude demeure néanmoins quant aux perspectives du mouvement, démuni de fonds et de soutien logistique. «Ce que nous avons déjà accompli, c’est l’organisation d’une société civile», encourage Iryna Solovey, jeune activiste. «Nous sommes là, et nous avons montré que nous n’avons pas besoin des partis politiques pour y rester.» Mais pour la suite, elle est plus circonspecte.Sur les coups des 15h30, la manifestation du Parti des Régions s’achève dans le calme et la place de l’Europe est rouverte à la circulation. «Le message est passé, nous n’avons plus rien à faire là», affirme Oleksandr, qui souhaite profiter de son passage à Kiev pour faire du tourisme.
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