RFI: Ukraine: la campagne de vaccination contre la polio n’a pas de succès
Reportage diffusé sur RFI, le 20/12/2015 L’Organisation Mondiale de la Santé demande l’instauration d’un état d’urgence en Ukraine pour lutter contre le retour de la poliomyélite, plus connue sous le nom de polio. Cette maladie infantile, qui peut mener à la paralysie quasi-totale du corps, avait disparue d’Europe en 2010, jusqu’à ce que deux cas soient déclarés en septembre dernier. L’OMS et le ministère de la santé mènent campagne de vaccination à marche forcée, mais très lente, car les résistances sont nombreuses…Dans le petit cabinet de pédiatrie, dans le centre de Lviv, tout est prêt. Les règles d’hygiène est bien respectées, des livres et jouets sont là pour distraire les enfants. Les vaccins anti-polio sont bien conservés dans un réfrigérateur. La seule chose qui manque à l’infirmière Svitlana Onishchuk aujourd’hui, ce sont les enfants, candidats à la vaccination.Svitlana Onishchuk: Il y a quelques temps, la télé a commencé à montrer des cas d’enfants morts, soi-disant à cause du vaccin. Beaucoup de parents ont commencé à avoir peur. Les semaines précédentes nous avons eu des journées au cours desquelles nous pouvions vacciner 200 enfants d’un coup. Mais aujourd’hui, nous n’en avons eu que 47. A la mi-décembre, c’est déjà la seconde campagne de sensibilisation, qui cherche à augmenter un taux de vaccination dramatiquement bas: entre 30 et 40% des enfants d’Ukraine ne seraient toujours pas vaccinés. Et pour cause: la campagne a mauvaise presse, dans les médias et les réseaux sociaux.Le fils d’Oksana Kalmykova a aujourd’hui 5 ans. Il souffre de nombreux problèmes de santé, que sa mère attribue à un vaccin anti-polio administré 3 ans plus tôt. Rien ne permet de confirmer cette hypothèse. Mais Oksana Kalmykova a une opinion bien tranchée.Oksana Kalmykova: La vaccination, c’est de la roulette russe. Certains réagissent bien, certains ont des problèmes, comme mon fils. Et s’il y a problème, personne ne prend ses responsabilités! Alors je ne conseille à personne d’aller faire vacciner leurs enfants. Le dernier scandale en date qui agite les médias concerne des vaccins français de Sanofi Pasteur. Achetés par le Canada, délivré par les Nations Unies, ils sont gratuits pour les Ukrainiens.Beaucoup estiment néanmoins qu’ils ont été endommagés pendant le transport par avion, et qu’ils doivent être jetés.Nataliya Timko: Ce sont des bons vaccins. On peut les décongeler et re-congeler dix fois, ils ont été bien conservés, selon les règles d’utilisation de l’OMS. La doctoresse Nataliya Timko est en charge du département d’épidémiologie dans la région de Lviv. La panique est injustifiée, dit-elle, et elle révèle une ignorance plus profonde.Nataliya Timko: La moitié du personnel soignant dans la région ne croit pas à un retour de la polio. Si eux n’y croient pas, comment peuvent-ils convaincre les parents de faire vacciner leur enfant! Au siège de l’OMS à Genève, l’expert en polio Oliver Rosenbauer s’inquiète de ces résistances locales. D’autant qu’elles s’ajoutent à des facteurs structurels, propres à l’Ukraine, qui ralentissent les progrès de la campagne de vaccination.Oliver Rosenbauer: Il ne faut pas oublier les raisons principales: il n’y a pas assez de vaccins dans les hôpitaux régionaux, ils sont mal distribués à travers le pays. Il y a encore beaucoup de parents qui veulent faire vacciner leurs enfants mais ne peuvent pas; parce qu’il n’y a pas de vaccins disponibles! Autrement dit: le risque d’une diffusion du virus est réel, car la campagne de vaccination n’atteint pas suffisamment d’enfants. La situation est encore loin d’être catastrophique, mais le cas de la polio trahit aussi les carences du système médical ukrainien, incapable de protéger la population contre des risques d’épidémies sérieuses.Ecouter le reportage ici