Libération: A Kiev, la petite victoire de Vladimir Poutine

Article publié dans Libération, le 07/04/2016

Le résultat du référendum est un coup dur pour les Ukrainiens en quête de soutiens occidentaux face à Moscou.

Screen Shot 2016-04-08 at 07.58.45«Ce n’est pas une sanction contre les Ukrainiens. C’est un vote qui vise le président Petro Porochenko, et lui seul.» Moustafa Nayyem ne se soucie ni des 61,1 % de votants néerlandais qui ont rejeté mercredi l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine ni du taux de participation historiquement bas (32 %). Pour le jeune député réformateur ukrainien, ancien journaliste d’investigation, «le vote ne démotive pas les milliers d’Ukrainiens qui luttent pour transformer leur pays, mais bien un Président qui, malgré ses larges pouvoirs depuis sa prise de fonction en juin 2014, n’a pas changé le système corrompu et oligarchique. Il a con stamment favorisé le passé au détriment du futur.»

Lassitude

Petro Porochenko, qui a regretté d’un air peiné le non néerlandais, est en effet perçu comme le principal responsable du manque de crédibilité de l’Ukraine post-révolutionnaire en Europe. Régulièrement accusé de chapeauter un système de corruption endémique, il figure parmi les douze chefs d’Etat cités dans l’affaire des Panama Papers, impliqués dans la création d’entreprises offshore. Si Porochenko persiste à répéter qu’il n’a ni violé la loi de son pays ni cherché à devenir un évadé fiscal, la société ukrainienne lui reproche une faute politique. Une de plus. Une de celles qui nuisent à l’image de l’Ukraine sur la scène internationale, et compromettent la transformation du pays.Au lendemain du vote néerlandais, l’humeur est ainsi à une lassitude désabusée en Ukraine. Le référendum faisait la une des médias depuis des mois, avec des appels répétés de la société civile aux Néerlandais pour soutenir l’accord. Il avait été la raison première des protestations antigouvernementales, en novembre 2013, qui avaient débouché sur la «révolution de la dignité» et le renversement de l’autoritaire Viktor Ianoukovitch. Un groupe de personnalités issues de la révolution avait d’ailleurs fait le déplacement il y a quelques jours aux Pays-Bas, afin de promouvoir la cause ukrainienne.«Trahison»L’accord est d’autant plus important pour l’Ukraine qu’il est avant tout un «programme intensif de réformes structurelles visant à moderniser le pays, et à opérer l’européanisation de ses structures», indique Kateryna Zarembo, directrice adjointe de l’Institut de politique mondiale à Kiev. Soit une feuille de route de réformes indépendante des jeux d’influence oligarchiques propres à la région.Pour les Ukrainiens en quête d’un soutien occidental face à ce qu’ils considèrent comme une agression russe, le rejet néerlandais laisse un goût amer. La militante des droits de l’homme Halyna Coynashest découragée face à la «trahison des Européens», et remet en cause «les pseudo-valeurs pour lesquelles les Ukrainiens se sont battus». La plupart des commentateurs disent que le vote «n’annulera pas l’accord d’association et n’en changera pas la nature», explique Andreas Umland, chercheur allemand basé à Kiev. Que les Néerlandais aient voté contre la corruption ukrainienne, l’inefficacité de Kiev dans l’enquête sur le drame du Boeing MH17, qui avait coûté la vie à de nombreux Néerlandais, ou pour des raisons plus domestiques et eurosceptiques, ils ont offert «une victoire à la propagande poutinienne», ajoute Umland. Selon lui, les Pays-Bas sont devenus partie prenante dans la guerre de l’information à laquelle se livrent Ukraine et la Russie depuis plus de deux ans. 

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