RFI:Un nouvel exécutif ukrainien, pour quoi faire?
Intervention dans la séquence "Bonjour l'Europe", sur RFI, le 14/04/2016Une nouvelle journée sous haute tension politique qui commence en Ukraine, paralysée par une profonde crise politique. Le Parlement doit aujourd’hui entériner la démission du Premier ministre Arséni Iatseniouk, qu’il a lui-même annoncé le 10 avril. Et en toute logique, investir un nouveau Premier ministre, un nouveau gouvernement. Mais rien ne semble très simple. Est-ce qu’on peut s’attendre à une sortie de crise aujourd’hui? Vous savez, en politique ukrainienne, il faut s’attendre à tout. Selon toute vraisemblance, aujourd’hui, Arséni Iatseniouk perd son poste de premier ministre, Volodymyr Hroïsman, actuel président du Parlement et favori de Petro Porochenko, le remplace, et son gouvernement est élu dans la foulée. Selon toute vraisemblance. Car ça, cela aurait déjà du être fait il y a deux jours, mais les tractations se sont éternisées, chacun voulant un morceau du gateau. Et ces tergiversations sans fin, ça montre que la nomination d’un gouvernement aujourd’hui ne signifiera en aucune manière une sortie de crise.La coalition pro-européenne qui avait été formée en décembre 2014, après la Révolution, pour conduire les réformes structurelles et lutter contre la corruption; cette coalition rassemblait 5 partis, mais elle est est morte. Maintenant, la politique ukrainienne, c’est celle de deux partis, celui de Petro Porochenko et celui d’Arséni Iatseniouk, qui se déchirent pour des postes et des ministères. Et toutes ces manigances, ça occupe tellement les esprits que les grands axes de la politique nationale ne sont pas encore définis. Autrement dit: nouveau Premier ministre, nouveau gouvernement, certes. Mais pourquoi faire, on ne sait pas encore.Qui c’est Volodymyr Hroïsman, le futur premier ministre? C’est un cas intéressant: le président du Parlement depuis deux ans; il n’a que 38 ans, et son ascension a été fulgurante, depuis son mandat de maire de Vinnytsia, une ville du centre de l’Ukraine. Il est dynamique, bien organisé, ambitieux, et il a apparemment quelques idées à lui.Mais son ascension, ça n’a rien à voir avec son charisme ou son talent de politicien. C’est d’abord et avant tout parce que c’est un bon gestionnaire des affaires de Petro Porochenko. D’ailleurs, Vinnytsia, son ancien ville, c’est là que le Président avait installé la maison-mère de ses confiseries Roshen. Roshen, c’est le coeur de l’empire de Petro Porochenko. Volodymyr Hroïsman comme Premier ministre, c’est d’abord et avant tout une présidentialisation du système politique. Ce qui n’est pas forcément synonyme d’efficacité et de stabilité, car Petro Porochenko est en ce moment affaibli, accusé de recourir à un usage sélectif de la justice, et aussi pour ses sociétés offshore, révélées par les Panama Papers.Mais qu’est-ce que cela veut dire pour les réformes? Bonne question. Dans le nouveau gouvernement, on dirait qu’on va avoir un nouveau ministère pour l’intégration européenne. Mais c’est une formalité. Les réformateurs, notamment les étrangers qui avaient rejoint le gouvernement à la fin 2014, ils ne seront pas présents dans le nouveau cabinet. Ce sont des gens de la vieille garde. Le nouveau ministre des finances pressenti, Oleksandr Danyluk, par exemple, et bien lui il avait été conseiller du Président déchu Viktor Ianoukovitch.En fait, ce que l’on voit, c’est la fin du système de cohabitation entre les réformateurs issus de la Révolution et la vieille garde de la politique ukrainienne, adepte des clans oligarchiques, des manigances sous la table, et de méthodes plus ou moins corrompue. Les jeunes réformateurs ne sont plus au gouvernement, ni dans les ministères, et ils sont marginalisés au Parlement. C’est la fin de l’équilibre qui avait été hérité du Maïdan. Cela ne veut pas dire que le nouveau - ancien système est plus stable. reste à savoir combien de temps il va durer.