RFI: Des jeunes se lancent à l'Est de l'Ukraine

Reportage diffusé dans l'émission Accents d'Europe, sur RFI, le 13/02/2017

Deux ans après les accords de paix de Minsk, les combats n’ont pas complètement cessé dans l’est de l’Ukraine. Le bilan du conflit qui a débuté, en 2014, s’établit désormais à 10 000 morts. Mais, depuis 2015, la ligne de front ne bouge plus, un peu en retrait de la zone de combat, certaines régions peuvent donc commencer à regarder vers l’avenir. C’est le cas de Kramatorsk, la capitale régionale côté ukrainien. La ville se situe à 80 km des hostilités, mais sans travail, les jeunes ont peu d’espoir. Si ce n’est dans un lieu, « Vilna Khata », la maison libre, qui se veut un lieu d’échange et qui sait peut être un jour de formation. C’est le reportage de Sébastien Gobert.

 15590575_574498702759048_8848755164802378109_nL’existence, l’existentialisme, le développement de soi et le sens d’accomplissement. Ce soir, c’est la soirée du club de philosophie à Vilna Khata. Dans une autre salle, un autre groupe regarde un documentaire sur grand écran. Dans les couloirs, des jeunes gens échangent sur des canapés. Vilna Khata, dans le centre de Kramatorsk, bouillonne d’idées.Anastasia Stryjelous a 19 ans, elle est responsable Vilna Khata.Anastasia Stryjelous: C’est un endroit pour tous ceux qui ont un sens de l’initiative. Beaucoup de personnes ici à Kramatorsk ont été très heureux que cette plateforme soit créée, pour qu’ils viennent ici et que leurs idées, leurs projets, prennent corps. Nous organisons des séminaires, des soirées de la poésie, des concerts, etc.Vilna Khata, cela veut dire “la Maison libre”, en ukrainien. Un espace créé en 2014 grâce à un partenariat avec  des associations à Lviv, la grande ville de l’ouest de l’Ukraine, à 1000 kilomètres de là. Vilna Khata bénéficie aussi de soutiens financiers internationaux, tels que l’organisme de coopération américain USAID.Des soutiens suffisants pour développer un espace unique à Kramatorsk, une ville qui est généralement perçue comme industrielle, et très soviétique. Le local artistique de Vilna Khata est perdu dans un ensemble de barres d’immeubles d’allure décrépis.Oleksandr: Je ne connais aucun autre endroit à Kramatorsk où on peut se détendre entre amis. Pourquoi se donner rendez-vous dans un autre endroit, si tous mes amis sont déjà ici? Le jeune Oleksandr est un assidu de Vilna Khata, qu’il voit comme une bouffée d’air frais dans la ville. En termes d’espace de réflexion et de création, mais aussi  pour échapper à  la politique, et à la guerre. Les habitants de Kramatorsk restent traumatisés par les quelques mois passés sous le contrôle des séparatistes pro-russes, en 2014. Il existait alors un courant d’idée en faveur d’un rattachement à la Russie.Mais dans l’espace Vilna Khata, on  tient à rester en dehors des querelles politiques , comme l’explique La responsable, Anastasia Stryjelous,Anastasia Stryjelous: Il suffit de venir ici pour se rendre compte qu’on ne parle pas de politique ici. On peut regarder des films sur la guerre, ou une exposition. Mais nous n’avons aucun message politique. Nous avons ouvert quand la situation était encore tendue ici, en 2015. Il y avait beaucoup de gens avec des positions politiques différentes. Nous avons tous très bien travaillé ensemble. Pour elle, il s’agit d’encourager les gens à inventer un nouveau Kramatorsk, et un nouveau futur pour la région. Le tissu industriel s’est délité depuis des années. Les perspectives pour la jeunesse, hormis des emplois d’usine mal payés ou des petits boulot. Le départ vers d’autres villes du pays, voire pour l’étranger, s’impose souvent comme la seule alternative. Ici, à Vilna Khata, des cours de langues et des expositions offrent un nouveau regard sur le monde extérieur. Des expériences d’ailleurs qui pourraient être transposées à Kramatorsk.David Vardenian est un jeune étudiant de 18 ans.David Vardenian: Cet endroit offre beaucoup de possibilités. On peut développer notre personnalité, rencontrer des étrangers, apprendre plus  de choses sur des questions artistiques. Avant, je ne savais pas comment m’exprimer, dans quelle direction aller. Et quand j’ai découvert cet endroit, je m’y suis senti bien. L’ambiance est chaleureuse, on peut échanger des idées et développer nos connaissances à travers des activités intéressantes. Ici, je suis devenu plus mûr qu’auparavant.Vieille d’à peine deux ans, Vilna Khata se confronte déjà à une remise en question. Certains des premiers bénévoles ont quitté Kramatorsk pour aller chercher de nouvelles opportunités ailleurs. Les soutiens financiers se tarissent et le centre a du trouver un nouveau local moins bien situé dans le centre-ville. Et surtout, le public n’est plus autant au rendez-vous qu’avant, comme l’explique Oleksandr.Oleksandr: Passé l’effet de nouveauté, beaucoup de gens ne savent pas quoi attendre de plus de Vilna Khata. D’autres séminaires, des formations peut-être? C’est à nous de renouveler notre offre. Loin d’être une fatalité, cela peut être une opportunité.Oleksandr: En même temps, attirer des foules n’est pas le plus important pour nous. Ce n’est pas avec cela que nous évaluons notre travail. Nous avons un slogan: “Apprends, Travaille, Détends-toi, aide les autres”. C’est l’esprit de cet endroit; on peut y faire ce qu’on veut. D’une manière ou d’une autre, ces jeunes gens trouveront le moyen de développer un espace de liberté qui leur convienne. Mais une fois le pied à l’extérieur de Vilna Khata, la réalité morose de Kramatorsk les rattrape. Ils n’ont pas encore trouvé de moyen de changer cela.Ecouter le reportage ici

Previous
Previous

National Geographic: See the Bizarre Places People Stash Old Lenin Statues

Next
Next

Grand Reportage RFI: Le Donbass, entre guerre, réintégration et abandon