La destruction de l’industrie pétrolière russe

Depuis le début de l’année, l’Ukraine a frappé pas moins de 10 raffineries et dépôts de pétrole en Russie

et une centaine depuis septembre 2023

Ce sont des attaques par drones qui affaiblissent peu à peu l’industrie pétrolière russe

résultat: le transit au port de Oust-Louga, près de Saint Pétersbourg, a été brièvement mis en pause

ce qui est majeur, puisque 20% des exportations de pétrole russe passent par ce port.

Bonjour à tous, c’est Sébastien, bienvenue dans cette nouvelle vidéo où l’on s’intéresse à cette stratégie ukrainienne, à ses implications,

et où on la remet dans son contexte plus large, parce que par effet de miroir, les infrastructures énergétiques ukrainiennes tiennent bien mieux que ce qu’on craignait.

Dans le même temps, il faut se poser la question: comment est-ce que la stratégie ukrainienne s’inscrit dans celle de Donald Trump de faire baisser les prix internationaux du baril?

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Ces derniers jours, ces dernières semaines, on a vu se multiplier les frappes ukrainiennes sur des raffineries et des dépôts de pétrole à travers la Russie.

A chaque fois, on est impressionnés par les vidéos parce que évidemment, du pétrole qui flambe, c’est très cinématographique.

Je vous passe cette vidéo, elle date du 29 janvier, il y a deux jours, on y voit une raffinerie dans la région de Nizhny Novgorod

la quatrième de Russie, traite chaque année 15 millions de tonnes de brut

et produit du diesel, du kérosène, de l'essence et divers dérivés du pétrole qui font tourner l’économie.

On est toujours dans le flou concernant le nombre de drones qui sont utilisés pour constituer ces essaims qui partent à l’attaque,

mais étant donné que les raffineries sont par essence arrangées sur des espaces vastes, afin qu’un feu dans un réservoir n’embrase pas toute la raffinerie,

on peut imaginer le nombre de drones qu’il a fallu pour produire des images comme celles que je viens de vous passer

La raffinerie se situe à 800 kilomètres des frontières ukrainiennes,

ce qui donne une idée de la portée des drones développés par les Ukrainiens depuis 2022

maintenant il y en a qui atteignent 2000 kilomètres de portée

et on remarque que ces attaques se font avec des drones de fabrication ukrainienne, pas des missiles balistiques occidentaux

et ça donne aussi une idée des lacunes des systèmes de défense anti-aérien russe

et ça, évidemment on comprend les difficultés pour les Russes, sur un territoire aussi vaste, et les Ukrainiens ont les mêmes problèmes,

Mais les critiques ne viennent pas de moi mais des milblogueurs et propagandistes russes

par exemple Vladimir Sovoliev qui s’est emporté sur ce sujet récemment.

Je ne vais pas ici énumérer les cibles russes qui ont été atteintes par les Ukrainiens,

mais regardez cette carte: elle donne une idée assez précise de ces cibles

en jaune, les dépôts de pétrole

et en bleu, les raffineries

donc comme j’ai dit, déjà une centaine de ces infrastructures qui ont été touchées depuis septembre 2023.

certaines plus d’une fois, ce qui rentre dans le calcul pour cette carte.

Tout cela, ça a deux effets principaux:

d’une part, ça donne du baume au coeur des Ukrainiens

alors que les nouvelles du front ne sont pas bonnes, que les perspectives d’un accord de cessez-le-feu négocié ou imposé par Donald Trump restent plus qu’incertaines

qu’un certain nombre de programmes sociaux, humanitaires, économiques ou agricoles sont interrompus à cause de la suspension des programmes d’assistance américains

et que le pays a encore été secoué par un certain nombre de scandales de corruption ces derniers temps

donc ça donne du baume au coeur

surtout quand les Ukrainiens comparent les destructions infligées à l’industrie pétrolière américaine à l’état de leurs infrastructures énergétiques

qui n’ont pas été trop touchées pendant cet hiver, alors que l’on redoutait le pire hiver depuis 2022.

ça, c’est dû à plusieurs facteurs, je le dis très rapidement

d’abord que les réparations ont été assez efficaces après la vague de destructions en été et en automne

ensuite que les températures cet hiver sont exceptionnellement chaudes

ces derniers jours de janvier on a eu presque 10 degrés à Kiev

et donc évidemment ça met moins de pression sur le réseau énergétique

et puis aussi, il y a eu moins de frappes russes ces dernières semaines

il y a toujours des bombardements et des raids de drones quotidiens, on l’a encore vu avant hier avec une attaque sur un immeuble à Soumy qui a fait 9 morts

Mais il y a moins de frappes sur les infrastructures énergétiques nationales

ce qui ne veut pas dire qu’il n’y en aura pas dans les prochains jours, si les Russes ne tirent plus autant de missiles balistiques et de croisière c’est qu’ils font des réserves

Mais donc, le premier effet de ces frappes ukrainiennes sur les dépôts et raffineries de pétrole russes,

c’est que ça met du baume au coeur

Le deuxième effet majeur, c’est que ça complique l’organisation de l’arrière russe

le ravitaillement des troupes sur le front, les circuits logistiques

et globalement ça affaiblit l’industrie pétrolière russe

à quelle échelle et avec quels effets sur la durée, c’est extrêmement difficile de l’évaluer

Mais si on regarde l’image globale, le secteur des hydrocarbures qui était la principale source de revenus de l’Etat russe est mal en point

à cause de ces destructions

de la réduction de la demande européenne

de l’arrêt du transit du gaz russe par le territoire ukrainien, je rappelle que c’est un manque à gagner de 5 milliards par an,

et des sanctions occidentales récentes sur la flotte fantôme russe, qui gêne les mouvements des navires pétroliers anonymes qui distribuaient le pétrole à l’international malgré les sanctions

Tout ça, ce sont des mauvaises nouvelles pour la Russie

et donc des bonnes nouvelles pour l’Ukraine.

ce n’est pas ça qui va décider du futur de la guerre

mais ça rentre dans la dimension de ce conflit d’attrition, où chaque camp tente d’épuiser, petit à petit les capacités de l’adversaire.

Après, si on s’interroge sur la finalité de ces destructions, après tout pourquoi les infrastructures pétrolières et pas d’autres, comme les réseaux de transport ou de communication?

on peut surtout s’interroger sur la durabilité de la stratégie

parce que, si l’Ukraine frappe ces infrastructures et gêne les exportations russes, comme par exemple c’est le cas avec la mise en pause du port d’Ousta-Louga,

alors ça diminue l’offre internationale de pétrole

et donc ça fait augmenter les prix mondiaux

alors que Donald Trump est dans une logique totalement inverse: augmenter la production américaine et demander à l’OPEP de baisser les prix de ses barils

justement pour diminuer les rentrées financières russes

Donc il est tout à fait probable que le président américain demande à un moment aux Ukrainiens d’arrêter leurs frappes

l’administration Biden l’avait déjà demandé plusieurs fois, sans succès.

Encore un sujet à suivre, et à intégrer dans l’analyse des multiples facettes de cette guerre.


Merci

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