RFI: Dans le Donbass, la guerre de tranchées continue

Reportage diffusé sur RFI, le 03/12/2017

A l’Est de l’Ukraine, la guerre entre les troupes ukrainiennes et les forces russes et pro-russes se poursuit, malgré un énième cessez-le-feu. Sur la semaine qui vient de s’écouler, au moins 4 soldats ukrainiens ont été tués, 8 blessés. Les pertes côté séparatiste ne sont pas connues. C’est une guerre de position, et d’usure, qui a déjà fait plus de 10100 morts. Des centaines de soldats sont mobilisés en permanence dans des tranchées, exposés à des tirs d’artillerie quotidiens. Au sud de la ville d’Avdiivka, Sébastien Gobert s’est rendu sur la ligne de front, côté ukrainien, pour comprendre cette nouvelle guerre des tranchées en Europe, en 2017. 

Sur les derniers 20 mètres de terrain découvert, il faut presser le pas dans la neige, pour rejoindre une petite maison en ruine.

Vladimir: Cette position s’appelle “Ampère”, l’une des plus proches du front, et des plus visées par les tirs ennemis. 

Vladimir est l’officier en charge de cet avant-poste.

Vladimir: Regardez, je vous montre… Prudence… Vous voyez, là-bas, à 40-50 mètres, les murs de ces maisons… C’est tenu par les occupants séparatistes. Venez, faut pas rester longtemps. 

A Ampère, les journées sont en général assez calmes, mais il faut rester prudent. La veille de notre passage, un soldat a été tué par un tireur d’élite.

Des rafales se font entendre régulièrement. Mais c’est à la nuit tombée que les tirs de mortiers font le plus de dégâts. Autour d’Ampère, ce n’est que ruines et désolation.

Vladimir: Avant, il y avait ici des beaux jardins ouvriers. Maintenant il n’y a plus que des herbes folles, des arbres éclatés, et des débris d’obus. Voilà. C’est ça qui se passe quand les Russes viennent chez nous. 

En dehors de petites offensives pour quelques dizaines de mètres d’un côté ou de l’autre, la ligne de front est gelée depuis 2015. Les soldats sont donc ici pour tenir leurs positions, et attendre une solution politique. Pour le soldat Vitalik, pas question de baisser les bras contre ce qu’il considère comme une invasion russe.

Vitalik: Nous protégeons notre terre. Pour qu’ils ne viennent pas attaquer nos villes, nos maisons. Il vaut mieux maintenir la pression ici que de se faire écraser là-bas.

A Ampère, ils sont une dizaine à tenir leur position. Après 4 ans de conflit, les conditions de vie restent spartiates. Les militaires ont encore des uniformes dépareillés, de l’équipement rudimentaire, et des kalachnikoffs vieilles de 40 ans. Le soldat Vassili, ne se plaint pas pour autant.

Vassili: On est pas ici pour faire l’aumône mais pour se battre jusqu’au bout, avec les moyens du bord. L’important, c’est la santé physique, et le moral. 

La détermination de ces soldats est claire. Mais les motivations des belligérants, et les perspectives de résolution de ce conflit, restent floues. La guerre de l’information entre la Russie, l’Ukraine, et les puissances occidentales, reste très active, et le processus de paix est au point mort.

Nous quittons Ampère pour revenir à la base. Un quart d’heure de voiture, et nous sommes de retour dans la ville d’Avdiivka, où une grande usine de coke tourne à plein régime, les supermarchés sont ouverts et les écoles résonnent des cris des enfants. Le paysage lunaire de la ligne de front semble bien loin. Mais loin d’être un univers parallèle, cette guerre de tranchées est une réalité pour des milliers de soldats, de part et d’autre. Et elle pourrait le rester pendant encore longtemps.

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