RFI: Le consentement à l’acte sexuel pour mieux lutter contre le viol en Ukraine
Intervention dans la séquence “Bonjour l’Europe”, le 23/01/2019
Toujours lancée dans sa course à l’intégration européenne, l’Ukraine est devenue, le 11 janvier, la première république post-soviétique à pénaliser l’acte sexuel sans consentement mutuel. Une avancée qui pourrait permettre de sanctionner plus efficacement le viol et la violence domestique, qui sont des problèmes majeurs, bien qu’on en parle peu. A Kiev, Sébastien Gobert
Sébastien, que veut dire cette loi? le sexe sans consentement mutuel n’était pas pénalisé auparavant?
Il l’était, mais la formulation précédente du texte de loi était ambigüe. L’abus sexuel et le viol étaient décrits comme un acte sexuel causé par la force, la menace, ou l’abus d’une situation de vulnérabilité. Cette nouvelle loi, n°2227-VIII, requiert le consentement explicite des partenaires, en pleine possession de leurs moyens. La sanction à l’encontre d’une personne coupable de viol reste, elle, la même qu’avant: entre 3 et 4 ans de prison.
Cette loi est une transposition d’une convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre les violences faites aux femmes et la violence domestique. Il n’y a que 8 autres pays en Europe qui ont inscrit le besoin de consentement dans leur législation: l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Irlande ou encore la Suède. En Ukraine, l’initiative est donc perçue comme très progressiste. Elle peut aider à sanctionner plus efficacement le viol.
Oui, les ONG décrivent des problèmes majeurs, mais on en parle peu en Ukraine…
Tout à fait. On voit sur les réseaux sociaux des internautes se moquer de cette disposition de consentement mutuel à l’acte sexuel. Certains se demandent s’il faut désormais interrompre les préliminaires pour signer une autorisation écrite avant d’aller plus loin. C’est une réaction similaire à ce que l’on voit dans d’autres pays, où on a même introduit des applications pour smartphone pour y déclarer son accord préalable. Mais cette ironie trahit la légèreté, et même le déni, avec laquelle sont traités viols et abus sexuels.
Dans certains pays européens, on parle de 50 viols pour 100.000 habitants. En Ukraine en 2018, ce sont 5 viols pour 100.000 habitants qui ont été déclarés, soit environ 2000 cas. On sait que dans la réalité, c’est bien plus que cela. La guerre dans l’est du pays a par exemple fait exploser les cas d’abus sexuels. Or, malgré la nouvelle loi, la législation permet encore aux violeurs de s’en sortir avec des peines légères, ou même de se réconcilier avec la victime. Plusieurs ONG, comme un récent rapport de Equality Now, appellent à une modernisation conséquente de la législation héritée de l’ère soviétique.
Oui, et cela concerne aussi la violence domestique?
C’est aussi un problème majeur. La loi promulguée le 11 janvier renforce les sanctions. Les cas de sexe sans consentement dans le cadre de la famille sont punis de 5 à 10 ans de prison, bien plus que dans le cas d’un viol d’une personne tiers. Les cas de violence peuvent aussi entraîner des peines de prison, ou de travaux d’intérêt général.
La grande question, c’est de savoir si la loi sera appliquée dans un sens plus large. C’est-à-dire sensibiliser à la fois les parents, les enfants, mais aussi les forces de l’ordre qui traitent ces affaires, ou encore mettre en place des numéros d’urgence et des cellules d’aide psychologique. En Ukraine, la violence domestique s’inscrit dans la question plus vaste de l’alcoolisme bien sûr, mais aussi de la reconversion des anciens soldats démobilisés, laissés à eux-mêmes. Alors les ONG applaudissent à cette avancée législative. Mais il s’agit désormais d’aller véritablement au-delà du texte de loi.