DNA: Démocratie en Berne en Ukraine
Article paru dans Les Dernières Nouvelles d'Alsace, le 26/10/2012
La campagne a été marquée par l’absence de l’opposante emprisonnée Ioulia Timochenko et ternie par des irrégularités.
Malgré les teintes vives des affiches de campagne en cet automne, les couleurs démocratiques se sont ternies en Ukraine à mesure que les législatives approchaient. Alors que des centaines d’observateurs internationaux se sont déployés à travers le pays, Andreas Gross, chef de la mission du Conseil de l’Europe, considère le pays dans un « pire état de régression démocratique » que la Russie de Poutine.En cause, la pratique autoritaire du pouvoir par le président Viktor Ianoukovitch, élu en 2010. Restriction des libertés fondamentales, persécution de l’opposition et notamment de sa figure de proue Ioulia Timochenko, explosion d’une corruption déjà rampante...
Le parti Coup de poing perce dans les sondages
Le scrutin du 28 octobre serait donc un test crucial : Andreas Gross voit même « le besoin d’une nouvelle révolution démocratique ». Pourtant l’enjeu politique est faible.Face au Parti des Régions au pouvoir, une partie des forces d’opposition s’est assemblée en une coalition hétéroclite réunissant les fidèles de ITimochenko, le parti du libéral Arseniy Iatseniouk mais aussi les nationalistes du parti « Svoboda » (Liberté), affilié au Front national français.Cette «opposition unie » est créditée de 14 à 17 % des intentions de vote, au coude à coude avec le parti Udar (Coup de Poing) du champion de boxe Vitali Klitschko.Selon Arseniy Iatseniouk, tous les leaders d’opposition ne seraient « pas prêts à entrer en conflit ouvert avec le gouvernement ». Ce qui hypothèque toute coopération de long terme.Malgré son bilan controversé, le Parti des Régions est bien ancré dans l’est de l’Ukraine et arrive en tête de tous les sondages, avec 20-23 %. Grâce à la réintroduction d’un système mixte proportionnel-majoritaire, il est quasi-assuré de conserver sa majorité à la Verkhovna Rada (le parlement).« L’enjeu du scrutin se situe dans son organisation et sa transparence. C’est un test pour le respect de l’Etat de droit en Ukraine et un tremplin pour l’élection présidentielle de 2015. Alors on tente de changer les règles du jeu », explique Oleh Rybachuk, ancien vice-premier ministre d’un gouvernement Timochenko et coordinateur de la campagne civique « Chesno » (Honnêtement).En évaluant les pratiques et le passif des candidats, « Chesno » entend éveiller les consciences civiques et responsabiliser les partis. Sur 504 candidats « scannés », 284 ont été prouvés coupables de violations, tous partis confondus.En ligne de mire : l’utilisation des « ressources administratives » par les candidats proches des autorités locales, les pressions sur des opposants, la création de candidats « techniques » pour diviser les forces d’opposition, ou l’achat d’électeurs, soit en avantages, soit en espèces. Un vote se monnaierait entre 5 et 50 euros.Pour Andriy Mahera, vice-président de la commission électorale centrale, « c’est la campagne la plus entachée de fraudes depuis l’élection présidentielle de 2004 ». Des fraudes qui avaient conduit à l’époque à l’éclatement de la « Révolution orange ». Celle-ci semble aujourd’hui bien lointaine.