RFI: Les petits candidats alternatifs d'Ukraine

Reportage diffusé dans Accents d'Europe, le 26/10/2012Lancement : la campagne des législatives bat son plein en Ukraine, avant le scrutin de dimanche 28 octobre. Les grands partis s'affrontent sur des questions de démocratie, de persécution politique, de défense de la langue ukrainienne, etc. Mais il y a aussi des petits candidats indépendants, issus de la société civile, qui essaient de changer les choses à leurs niveaux.  Ce sont les derniers beaux jours d'automne à Kiev, le moment idéal pour un spectacle de théâtre en plein air. Mais pas n'importe quel théâtre. Devant des badauds amusés, les acteurs décrient la mafia des services publics, les vols de propriétés et les détournements de fonds destinés à l'entretien d'immeubles d'habitations. La coordinatrice de la représentation, Tetiana Montyan, est une avocate. Elle a passé des années à tenter de lutter contre la corruption dans l'immobilier à Kiev. Cette fois-ci, elle veut toucher un plus grand public et se lance en politique : elle est candidate aux élections législatives du 28 octobre pour régler les problèmes concrets de ses concitoyens.  Montyan: Vous savez, notre démocratie représentative, c'est une sorte de pyramide qui monte jusqu’au ciel. Il n’ya plus rien de concret quand il s'agit de prendre des décisions concernant le bien public. Les élus n'ont aucune connexion avec les gens sur le terrain. Les citoyens sont sans défense quand ceux qui sont au pouvoir essaient de les voler. Les habitants doivent comprendre que si on n'a pas de mécanisme pour gérer les habitations ou les petits quartiers, alors il est impossible que l'on puisse élire de bons représentants au niveau local ou même au Parlement.  Dans une Ukraine paralysée par de grandes questions politiques sur la démocratie, le bilinguisme ukraino-russe ou encore le positionnement entre Union européenne et Russie ; les thèmes de la campagne électorale sont souvent éloignés des préoccupations quotidiennes des Ukrainiens comme l'emploi, la santé, l'immobilier ou encore les transports. A l'image de Tetiana Montyan, ils sont quelques activistes de la société civile, lassés des obstacles qu'ils rencontrent, à s'engager en politique pour tenter d'en changer la nature. Ihor Lutsenko milite depuis des années pour la préservation de l'héritage architectural de Kiev. Comme il l'explique, s'il s'est lancé dans la campagne, c'est pour redonner de la crédibilité à la politique.  Ihor: Les partis politiques sont vraiment stupides. Ils choisissent des candidats qui ne se sont pas approprié leur circonscription, qui ne sont presque pas connus dans leurs quartiers.On a l’impression sue certains veulent perdre ! En russe, on appelle ça un jeu de « Podovki » : quand on donne à son adversaire l'opportunité de gagner. Le résultat, c'est que les intérêts des habitants de Kiev ne sont pas pris en compte dans les programmes, et même dans les discours des candidats. J'essaie de changer cela. Lui a mené une campagne de proximité, à vélo, en allant vers les habitants de Kiev et en multipliant les rencontres de quartiers. Il y a une semaine, il s'est néanmoins désisté pour favoriser la victoire d'un candidat de l'opposition. Le style novateur, direct et personnel de ces candidats surprend en Ukraine et attire de nombreux curieux, comme le constate Petro Burkovskiy, un expert de l'Ecole d'analyse politique à Kiev.  Petro: Il y a beaucoup de gens, des retraités notamment, qui sont prêts à soutenir ces candidats indépendants, jeunes et sincères. Ils ont encore en tête l'époque soviétique, et ils comprennent qu'il faut de nouvelles têtes, qu’une nouvelle génération doit s’investir en politique pour changer le système. Ces retraités sont bien éduqués, ils peuvent reconnaître ce qui est bon, ce qui ne l'est pas. Si on additionne les voix des retraités, des Internautes et les jeunes, je pense que ces candidats peuvent gagner leur siège au Parlement.  Mais même s'ils parviennent à entrer au Parlement, le potentiel de ces candidats est limité par l'ampleur relativement modeste de leur démarche. Et ils en sont conscients. Vasyl Gatsko est un anime une ONG civique depuis 17 ans, qu'il a maintenant changé en parti politique, « l'alliance démocratique ». Vasyl reconnaît que son indépendance ne tient qu’à l’impact local de son projet, mais il en est fier. Et il veut en faire sa marque distinctive.  Vasyl: Nous avons une position de principe sur cette question : nous ne voulons être financés que par des citoyens lambdas, ni par des oligarques, de grosses entreprises, ou des politiciens. C'est pour ça que nous avons commencé à collecter de l'argent à travers Facebook, ou dans la rue. Et en Ukraine, aujourd'hui, nous sommes les plus expérimentés pour ce qui est des campagnes de levées de fonds. Qu'importe le résultat des élections législatives, les méthodes utilisées par ces candidats issus de la société civile sont inédites en Ukraine. L'expérience accumulée pourrait bien être transposée à d'autres campagnes, par exemple les municipales à Kiev, et offrir une alternative valable à la politique ukrainienne telle qu'on la connaît aujourd'hui. Ecouter le reportage ici

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