RFI: Une mosquée pour 60.000 musulmans à Kiev

Reportage diffusé dans Accents d'Europe, le 08/11/2012L'Ukraine, berceau de la civilisation russe et chrétienne orthodoxe, c'est bien connu. Mais le pays a aussi une longue histoire liée à l'Islam. Il y a bien sûr les Tatars turcophones de Crimée, mais aussi des communautés musulmanes disséminées à travers tout le pays. Elle se font discrètes , et le rapport avec les autorités n'est pas toujours facile. Dans les guides touristiques, Kiev est la ville aux centaines d'églises aux bulbes d'or.Mais sur une colline, isolée entre pavillons, blocs HLM et terrain vague, se dresse pourtant une mosquée flambant neuve. Ce vendredi, plusieurs centaines de fidèles s'assemblent dans la grande salle pour la prière. La communauté est multinationale : des Ukrainiens, des ressortissants d'ex-URSS d'Asie centrale, des immigrés d'Afrique, des diplomates de pays arabes. Le sheik Ahmed Tamim, mufti d'Ukraine et chef de l'administration des musulmans ukrainiens, délivre son prêche en arabe et en russe. La mosquée a été inaugurée en janvier 2011, et c'est le seul lieu de culte officiel de la capitale. Moufti Tamim: D'après nos estimations, il y a un peu plus de 60 000 musulmans à Kiev, de toutes nationalités. Il y a d'autres endroits que cette mosquée pour se réunir et prier en même temps. C'est près des marchés, dans des endroits où les musulmans travaillent et vivent.Un centre culturel musulman est aussi en activité, affilié à la confrérie des Frères musulmans. Les premiers plans de construction d'une mosquée avaient été établis en 1992, mais elle n'a été inaugurée qu'en janvier 2011, à cause de l'accumulation de retards techniques, financiers, administratifs, et politiques. Comme le dit le mufti Tamin, les musulmans de Kiev ont du s'aider eux-mêmes. Moufti Tamim: C'est notre communauté musulmane de Kiev qui nous a aidé, des hommes d'affaires et autres, qui nous ont aidé à construire la mosquée. Ils l'ont construit pour eux-mêmes. Chaque fidèle,  quelque soit sa nationalité, nous a  aidé. Ceux qui ne pouvaient pas donner d'argent ont essayé de participer aux travaux. Nous avons invité tout le monde à s’investir. Mais officiellement, nous n'avons reçu aucune aide de l'Etat, d'organisations ou d'organisations internationales. Personne ne nous a demandé ce dont on avait besoin. Dans un pays post-soviétique majoritairement chrétien orthodoxe, les relations entre Etat et les différentes Eglises ne sont pas toujours harmonieuses. L'Islam a mauvaise presse en Ukraine, où il est associé à l'extrémisme religieux et au terrorisme. L'entrée au Parlement du parti nationaliste Sovobda, affilié au Front national français, pourrait compliquer encore la donne. Anwar Derkach, est journaliste ukrainien, converti à l'Islam depuis six ans. Il dénonce des blocages administratifs et des pressions politiques contre la communauté musulmane. Un projet de loi à l'étude au Parlement sur les rapports entre les Eglises et l'Etat viserait selon lui à renforcer le contrôle de l'administration sur la communauté musulmane. Sans compter les entraves à certains projets de construction de mosquées en Ukraine, par exemple à Odessa. Anwar: Il y a un an et quelques, une communauté de musulmans à Odessa avait récolté 250 mille dollars pour construire une mosquée. Au bout de quelques semaines, ils ont reçu une visite d'officiers des services secrets, qui les ont accusé d'extrémisme, de propagande extrémiste. Deux personnes ont été arrêtées et ont passé 5 mois en prison. Entre temps, l'argent a disparu. A l'instar de la communauté juive, les musulmans de Kiev ne peuvent compter que sur eux-mêmes en limitant les rapports avec l'Etat et les autres communautés religieuses au strict minimum. Des problèmes de discrimination existent, alliés à des cas de racisme et de xénophobie. Mais dans l'ensemble, les musulmans se font discrets et la cohabitation est paisible. Youri enseigne la théologie à la mosquée.  Youri: Ici à Kiev, nous n'avons pas de problèmes particuliers avec les autorités, le gouvernement et les députés. Parce que nous ne cherchons pas à créer des complications, donc tout va bien. Mais comme vous le savez, la terre n'est pas le paradis, et parfois on se heurte au mal la situation n'est pas idéale. Avec l'aide de Dieu, nous devons juste nous conformer aux règles qui existent, à la fois des hommes et de Dieu, et il n'y aura pas de problème.  Younes est un jeune étudiant marocain, habitant en Ukraine depuis 3 ans. Il s'y plaît, et ne rencontre pas trop de difficultés. Mais il s'étonne de la faible place de l'Islam dans la capitale. Younes: C'est un peu triste d'avoir une seule mosquée dans une ville aussi grande que Kiev. Il y a beaucoup de musulmans, beaucoup de pratiquants. Mais je pense aussi, est-ce qu'on a le droit, est-ce qu'on nous donne le droit de construire une nouvelle mosquée ? Ca serait bien. Mais les autorités sont un peu difficiles ici. Près de deux ans après l'inauguration de la mosquée, dont la l'édification avait pris près de 20 ans, les projets de construction d'une seconde mosquée à Kiev sont seulement à l'état d'esquisse. Les musulmans de la ville  ne semblent pas dans une position de revendication, et entendent juste pratiquer leur foi, que ce soit dans une mosquée ou dans un appartement. Ecouter le reportage ici

Previous
Previous

RSE: Ukraine: La Menorah la plus grande du monde

Next
Next

RSE: Ukraine: L'élection sans fin