RFI: Une prison - musée à Lviv
Chronique diffusée dans Accents d'Europe, le 21/01/2013
Lviv, la plus grande ville de l'ouest de l'Ukraine, a longtemps été une cité très multiculturelle, au carrefour de différentes civilisations et empires. L'histoire mouvementée et tragique du 20ème siècle a eu raison de cette tradition. Une ancienne prison du centre-ville, aujourd'hui reconvertie en musée, a en quelque sorte vu passer toutes les communautés de la ville. Le musée tente de préserver ce passé.
Sous un vent glacial, au coin d'une large avenue enneigée, il faut bien chercher la petite porte en bois pour entrer dans le musée de la prison de Lonts'kiy, comme on l'appelle ici. Dans un hall d'entrée d'allure sordide, c'est un policier en armes qui invite à pénétrer dans une série de couloirs figés dans le passé.
Murs décrépis, serrures grinçantes, odeurs de renfermé ; tout est fait pour recréer l'atmosphère de cette prison par laquelle sont passés des milliers de prisonniers. Le bâtiment a été construit par les Autrichiens au début du 20ème siècle, puis utilisée par les Polonais dans l'entre-deux guerre, puis par les Soviétiques, les Nazis, et les Soviétiques de nouveau après la seconde guerre mondiale. Des milliers de Polonais, de Juifs, d'Ukrainiens et toute sorte d'ennemis politiques sont passés entre ces murs ou y sont morts. On découvre ici des cellules de 4 m² où pouvaient tenir jusqu'à 15 détenus, là des salles d'interrogatoire et de torture, ou encore une cour intérieure où ont été perpétrées des exécutions de masse.
Le musée est aujourd'hui un mémorial qui rappelle les souffrances de la ville et son passé multiculturel. Ce qui n'est pas dénué d'une pointe de patriotisme: l'accent est plus mis sur la persécution des résistants ukrainiens anti-soviétiques que sur le sort des victimes juives ou polonaises. Les résistants nationalistes de l'armée clandestine, très actifs pendant la seconde guerre mondiale, sont mis à l'honneur, bien qu'ils soient considérés comme des terroristes fascisants par de nombreux russophones d'Ukraine. Mais dans un pays qui se cherche encore une identité propre, la ville de Lviv ne tergiverse pas avec son passé, et entend bien ancrer la mémoire de ces résistants dans le présent.