RFI: Reprise en (sous-)main de la chaîne de télévision TVi

Intervention dans l'émission Accents d'Europe, diffusée le 23/05/2013ET notre actualité des médias nous emmène aujourd'hui en Ukraine, où la liberté d’expression n’est pas franchement bien vue par le Pdt Viktor Ianoukovitch. Sur place nous retrouvons notre correspondant, bonjour Sébastien Gobert... Les ONG Freedom House ou Reporters sans frontières dénoncent cette  limitation de la liberté de la presse. La chaîne de télévision Tvi était considérée comme la dernière chaîne critique du pouvoir : elle a été reprise en sous-main par des investisseurs quasiment inconnus, et depuis, on n'entend plus grand chose de controversé sur les plateaux de la chaîne...Un vrai changement manifestement..295422_577581992276785_267849819_nEt bien, Tvi, comme vous l'avez rappelé, c'était la seule chaîne de télévision qui diffusait des informations ouvertement critiques du gouvernement. Elle avait été établie en 2008 grâce au financement de l'oligarque russe Konstantyn Kagalovski, un ancien de la compagnie Ioukos et opposant de Vladimir Poutine, en exil à Londres. La chaîne a donc adopté dès ses débuts un ton très libre à l'égard du Kremlin, et à partir de 2010, à l'égard du Président Victor Ianoukovitch et de son parti politique, le Parti des Régions. Tvi s'est distinguée en abritant un large éventail de débats politiques et en diffusant des documentaires alternatifs, et aussi des programmes culturels. Et c'était une des rares chaînes de télévision qui diffusait la majorité de ses programmes dans la langue ukrainienne. Son audience était assez limitée, elle touchait les catégories intellectuelles et supérieures des grandes villes du pays. En tout, cela représentait moins de 1% de l'audimat, mais la chaîne bénéficiait d’un bon capital de notoriété dans l'opinion. A l'inverse, les autres chaînes de télévision dominantes sont toutes propriété d’oligarques proches du pouvoir. La plupart de leurs programmes sont en russe. Et pour de nombreux observateurs, la manière dont ces chaînes traitent l'actualité relève juste de la transmission de l'information officielle. Alors on ne pouvait pas non plus dire que Tvi était indépendante et objective : son ancien directeur, Mikola Kniazhytski, a ainsi été élu au Parlement ukrainien sur la liste du parti de Ioulia Timochenko, l'ancienne première ministre aujourd'hui emprisonnée. Mais au moins Tvi apportait une voix alternative. Mais alors, que s'est-il passé exactement ? Cela ressemble à un coup cette reprise en main..Et bien la chaîne était déjà sous pression depuis plus d'un an. A l'approche des élections législatives d'octobre 2012, la police avait mené une perquisition contestée dans ses locaux De nombreux diffuseurs ont annulé carrément les licences de diffusion de la chaîne dans plusieurs régions du pays, obligeant ainsi Tvi à se recentrer fortement sur l'Internet. Mais le coup de grâce est tombé à la fin avril.  Alexander Altman, un petit homme d'affaires américain, d’origine ukrainienne… ET des relations avec le gouvernement actuel, a annoncé avoir racheté la chaîne. Le rachat a été nié par Konstantyn Kagalovski, qui se considère encore propriétaire de la chaîne, et dénoncé par la plupart des journalistes de la rédaction. C'est ce qu'on appelle en Ukraine un raid, c'est-à-dire la reprise illégitime d'une entreprise, avec l'aval de la justice et de l'administration. Et maintenant c'est une nouvelle direction qui est en place. Et elle a tout de suite annoncé qu'elle souhaitait changer le ton de la chaîne, et stopper « la critique systématique » du pouvoir ukrainien. Mais vous dites que les journalistes avaient essayé de protester ? Il n'ont rien pu faire ? Il faut déjà dire qu'au sein de l'équipe de Tvi se trouvaient les journalistes parmi les plus respectés et les plus influents du pays. Mais les moyens d’action étaient limités. Bien sûr, ils se sont mis en grève, ils ont essayé de changer la situation en interne, et au bout de quelques jours, ils ont démissionné en masse. L'un d'entre eux, Mustafa Nayem, a déclaré travailler de tout suite à la création d'un nouveau projet médiatique. Mais sans soutien politique, logistique et financier, on ne sait pas encore trop ce que cela peut donner. Sans doute un projet sur Internet. Mais le taux de pénétration Internet en Ukraine stagne à environ 34%, donc leur capacité à toucher la population est assez réduite. C'est une affaire à suivre. En attendant, j'ai regardé quelques programmes de Tvi au cours du mois de mai, et on peut vraiment s'apercevoir du changement de ton.Ecouter l'intervention ici

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