RFI: Du mercure à l'air libre à Kiev

Reportage diffusé dans l'émission Accents d'Europe, le 10/06/2013Tchernobyl, le nom de la centrale nucléaire à l'origine d'une des contaminations radioactives les plus catastrophiques de l'histoire, a acquis une triste réputation planétaire. Mais qui connaît le nom de l'usine « Radical » ? Un ancien centre industriel à Kiev, aujourd'hui désaffecté, qui abriterait des centaines de tonnes de mercure et autres produits toxiques, qui s'évaporent à l'air libre... Rien n'est encore prouvé, mais des activistes et ONG parlent déjà de deuxième Tchernobyl...  En sortant du métro Lysova, dans l'est de Kiev, on trouve un grand marché en plein air et des magasins très fréquentés. En marchant quelques centaines de mètres, on entre dans la zone industrielle de l'ancienne usine « Radikal », une des plus importantes usines de produits chimiques de l'Union Soviétique. L'usine a fait faillite en 1996 et la propriété est aujourd'hui divisée entre plusieurs locataires. Si plusieurs usines regorgent d'activité, de nombreux bâtiments sont désaffectés et laissés à l'abandon.
Oleksiy Batchenko, un jeune blogueur, m'entraîne sur un champ de ruine. Entre les débris, en grattant légèrement le sol, des petites perles argentées apparaissent : du mercure, un élément chimique très nocif pour la santé. Oleksiy: Une fois je suis venu quand il faisait chaud, le mercure se condensait et formait des grandes flaques, là, et là, et évidemment ça s'évaporait dans l'air. Aujourd’hui on ne peut plus voir grand chose parce qu'ils ont détruit le bâtiment, mais le mercure est toujours là. Le bâtiment de l'usine a été démoli il y a quelques semaines ou quelques mois, personne ne le sait vraiment. Mais selon Oleksiy Batchenko, il est fort peu probable que le mercure dont les photos figurent sur son blog ait été enlevé. D'innombrables bidons de métal rouillé gisent aussi entre les ruines, mais personne ne peut dire ce qu'ils contiennent. Denys Pavlovskyi est coordinateur de projets liés à des produits chimiques au sein de l'association environnementale MAMA-86. Selon lui, il y aurait au moins 200 tonnes de mercure sur place, dans un espace peu sécurisé. Denys: Je ne sais pas ce qu'ils vont faire dans les années à venir. Mais en ce qui concerne l'impact sur la santé, 200 tonnes de mercure, c'est un très gros problème pour la ville de Kiev et les gens qui habitent près de cette usine. Et le mercure descend dans le sol et infiltre les nappes phréatiques. C'est un deuxième Tchernobyl. Son équipe est en train d'analyser l'impact sanitaire de ce mercure sur les habitants du quartier. Les résultats se font encore attendre mais il se dit pessimiste. A la municipalité de Kiev, le département de l'industrie est injoignable pour des commentaires. Seul l’attaché de presse du départementde l'environnementn Vladyslav Shelokov, fournit une réponse qui se veut rassurante..Vladyslav: Pour ce que je sais, il n'y a pas de pollution au mercure là-bas. Il n'y a pas de mercure dans les bâtiments qui sont sur place. Le service de sauvetage de l'administration de la ville de Kiev surveille la situation. Tous les jours, un groupe se rend sur place et analyse la teneur de mercure dans l'air. Il n'y a pas de situation dangereuse. Il indique aussi que 13 millions d'euros ont été alloués en 2013 à l'enlèvement du mercure, et que la municipalité prévoit de rénover les installations électriques et la plomberie du site. Mais quand je lui montre les photos du champ de ruines et des billes de mercure, il devient perplexe. Et me recommande de m'adresser à un autre département de la municipalité. Pour Olekskiy Batchenko, l’insouciance des pouvoirs publics sur cette question est révélatrice du manque d'intérêt, des Ukrainiens, d'une manière générale, pour les questions de pollution et de protection de l'environnement, Oleskiy: Vous savez, il y a quelques années, une chanteuse a voulu enregistrer un clip vidéo pour une chanson sur Tchernobyl. Mais elle a du enregistrer ici à l'usine « Radikal » parce que les enfants ne sont pas autorisés sur le site de Tchernobyl. Or, là-bas, les radiations sont retombées, il y a un sarcophage pour isoler le réacteur, on prend des mesures de protection et on a décrété des zones d'exclusion. Mais ici, rien de tout ça, du mercure à l'air libre et des produits chimiques sans protection. Et en plus c'est dans un quartier très peuplé. C'est bien plus dangereux ici que là-bas. A la sortie du champ de ruines, nous rencontrons Lioudmila Ivanovna, qui travaille dans un bâtiment à quelques dizaines de mètres. Elle n'attend rien des autorités. Lyoudmila Ivanovna: Tout le monde est au courant. Mais qu'est-ce que ça change ? Bien sûr, qu’il y a des problèmes de santé, en particulier quand il fait chaud. Mais il n'y a rien qui change. Mes parents habitent dans une autre région, tout près d'une mine d'uranium. Il yen a trois dans la région. Il y a quelques années ils ont construit des routes avec les déchets de la mine. Un jour, il y a eu des mesures de la radioactivité, et on s'est aperçu que c'était très contaminé. Est-ce que quelque chose a changé ? Evidemment non. Le désastre de Tchernobyl, c'était en 1986. Mais à part l'activisme de quelques citoyens et associations environnementales, il semble qu'il y ait encore beaucoup à faire en Ukraine pour développer une conscience environnementale.Ecouter le reportage ici
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