La Libre Belgique: Le ras-le-bol des vrais journalistes

Article publié dans La Libre Belgique, le 11/06/2013
Des journalistes jugés intègres lancent une télévision sur Internet.
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"L’Ukraine a besoin d’un média vraiment indépendant. Aujourd’hui, le seul moyen est d’être en ligne, et d’être financé par de nombreuses sources, au lieu d’avoir un seul propriétaire." Pour Ioulia Bankova, célèbre journaliste indépendante ukrainienne, l’heure n’est plus à la confiance dans les médias qui existent déjà dans le pays.Avec une poignée de confrères, réputés parmi les plus intègres, elle présente, ce mardi à Kiev, un nouveau projet de télévision entièrement en ligne, "Hromadske.tv" (public.tv). L’équipe fonctionne à budget réduit et compte sur des donations de particuliers comme d’institutions internationales.A l’instar de nombre de ses collègues, Ioulia Bankova a quitté deux chaînes de télévision ces trois dernières années, "à cause de la censure" . Dernières démissions en date : le 30 avril, trente journalistes ont quitté TVi, longtemps considérée comme la dernière chaîne critique du régime du président Ianoukovitch. Elle avait été la victime d’une reprise en sous-main par un investisseur jugé proche du pouvoir. La nouvelle direction avait vite annoncé "la fin de la critique systématique du gouvernement" .La presse sous pressionLa situation de la liberté d’expression est jugée sous pression depuis quelques années. Dans le dernier Index de la liberté de la presse de l’ONG Reporters sans frontières, l’Ukraine perd dix places par rapport à 2012 et termine 126e sur 179 pays. L’Union européenne émet de sérieuses inquiétudes sur la situation, alors que Kiev cherche l’approbation de Bruxelles pour signer un accord d’association d’ici à novembre.Lors d’une manifestation politique, le 18 mai, deux journalistes ont été attaqués par des casseurs sous les yeux des forces de l’ordre, sans que celles-ci n’interviennent. Les agresseurs ont été par la suite identifiés comme proches du Parti des Régions au pouvoir. Ils demeurent introuvables, et l’enquête piétine.La journaliste Nataliya Gumenyuk a dirigé le département international de la chaîne INTER, une des plus importantes du pays, jusqu’à son renvoi en 2011. "Les journalistes politiques qui posent des questions sont en règle générale limogés des plus grosses chaînes. La plupart des programmes d’investigation sur les chaînes ukrainiennes tiennent du commercial et du scandale , poursuit-elle. Hromadske.tv sera axée sur des enquêtes de fond, avec des informations vérifiées et étayées. Ce sera notre valeur ajoutée.""Un des plus gros problèmes du journalisme ukrainien, c’est la conception du métier comme une simple transmission de l’information officielle, sans distance critique , déplore Andriy Bachtovyi, journaliste à Radio Liberté. Un autre problème est le manque de réaction de la société civile. De nombreux professionnels mettent au jour des affaires de corruption et abus de pouvoir. Mais l’impact que cela a est assez limité. Le gouvernement se sent de moins en moins obligé de s’expliquer."Dans un pays où le taux de pénétration Internet stagne à 34 %, il n’est pas sûr qu’une chaîne de télévision entièrement en ligne puisse, à elle seule, inverser la tendance.
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