RFI: L'Accord d'Association UE-Ukraine enterré

Intervention dans la séquence Bonjour l'Europe, le 23/11/2013L'Ukraine qui a donc décidé de renoncer à l'accord d'association avec l'Union Européenne à quelques jours de sa signature...et qui dans le même temps annonce la relance d'un "dialogue actif" avec la Russie... Une volte-face qui pose beaucoup de questions... Certains, dans l'opposition notamment, accusent le président Victor Ianoukovitch d'avoir cédé aux pressions de Moscou... ____Comment expliquer la volte-face de Kiev avec Bruxelles?Eh bien, c'est une combinaison de plusieurs facteurs. D'abord les Européens se sont montrés très faibles sur cette question. Ils ont trop essayé d'obtenir la libération de Ioulia Timochenko. Ici ce n'est pas une question si cruciale que ça, et en plus ça a permis au gouvernement ukrainien de jouer au chat et à la souris pendant un certain temps, sans aborder d'autres sujets de fond. Les Européens ont aussi été incapables d'assurer une aide financière substantielle à l'Ukraine, malgré les efforts qu'elle avait à fournir dans le cadre de l'accord d'association, mais aussi contre les pressions russes. Parce que la Russie de Vladimir Poutine s'est elle montrée très forte dans cette question, que ce soit en utilisant la carotte ou le bâton. Depuis l'été, les échanges commerciaux ont diminué d'environ 25% entre l'Ukraine et la Russie, à cause d'obstacles érigés par le Kremlin. Et on murmure aussi que Vladimir Poutine a su donner des garanties suffisantes à Victor Ianoukovitch, notamment sur sa réélection en octobre 2015. Il aurait, entre autres promis de fermer les yeux sur les fraudes à venir et de ne soutenir aucun candidat alternatif. Mais en même temps, il n'a pas réussi à faire en sorte que l'Ukraine rejoigne son projet d'union douanière, qu'il forme avec le Kazakhstan et la Biélorussie.  Et finalement, le régime de Victor Ianoukovitch s'en sort bien dans cette affaire... Tout à fait. On parle beaucoup dans la presse internationale de « retour dans le giron russe » ou autre virage géopolitique, mais en fait, Victor Ianoukovitch, que l'on taxe d'un autoritarisme croissant, reste maître chez lui. le président ne laisse ni Bruxelles, ni Moscou, interférer dans ses affaires. D'un point de vue formel, son gouvernement doit intensifier la coopération avec les pays de l'ancien bloc soviétique, mais sans aucun projet d'envergure en vue. Le chercheur Taras Kuzio parle de « la famille », c'est à dire les oligarques de l'entourage proche du président, comme des « nationalistes économiques » qui ne sont prêts à céder leur souveraineté à personne. Et on dirait qu'ils ont réussi, au moins pour un temps. Mais pour beaucoup d'Ukrainiens, ce "non" à l'Union européenne, c'est aussi une belle occasion manquée ? Et oui, on voit des mouvements de protestation un peu partout depuis deux jours. En particulier, je passe beaucoup de temps sur Maidan Nezalezhnosti, la place de l'indépendance à Kiev, qui est occupée depuis deux jours par des groupes de citoyens, plus ou moins politisés, qui réclament une intégration européenne de leur pays. On ne sait pas encore trop ce que ça va donner, vous savez il pleut, il fait froid, et en plus les Ukrainiens n'ont plus trop l'habitude de manifester dans les rues. Mais si on regarde les symboles, c'est important ça donne du poids à la contestation. 9 ans presque jour pour jour après la révolution orange, c'est la première fois que des manifestants prennent possession de la place. On parle déjà de second Maidan, d'EuroMaidan. Aujourd'hui aussi, c'est le jour de commémorations nationales dédié à l'Holodomor, cette grande famine de 1932-33 que l'on dit organisée par les Soviétiques, qui avait coûté entre 2 et 5 millions de morts. Donc un symbole fort pour l'unité nationale et contre l'héritage soviétique, et par extension contre la Russie. Et depuis demain, on attend des manifestations géantes à Kiev. Ca sera ça, le test des protestations. 

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