RFI: A Lviv, les autorités derrière l'EuroMaidan

Reportage diffusé dans l'émission Accent d'Europe, le 09/12/2013Alors que la contestation ne faiblit par à Kiev, dans le reste de l’Ukraine différents foyers de contestation perdurent aussi, notamment à Lviv, capitale de l'ouest du pays, avec 20 000 personnes dans le centre de la ville ce dimanche encore. Lviv où la situation est beaucoup moins tendue qu’à Kiev, car les autorités locales sont de tout cœur avec les manifestants.Dans le centre de Lviv, un panneau affiche les demandes, espoirs et frustrations des citoyens. Les protestations à Lviv bénéficient du soutien et de la protection des autorités. Le froid s'est déjà bien installé sur la Prospekt Svobody, l'avenue de la liberté, l'artère principale de Lviv, et une fine couche de neige recouvre les trottoirs. Mais comme chaque matin depuis deux semaines, plusieurs personnes sortent des tentes dressées sur l'avenue, des dizaines d'autres arrivent de la ville pour se masser autour d'une estrade et des écrans géants. L'EuroMaidan de Lviv, qui tire son nom de l'occupation de Maidan Nezalezhnosti, la place de l'indépendance à Kiev, s'anime pour la journée. Comme à Kiev, tout semble ici bien rôdé : nourriture, braséros, discours et chants.Iaryna est une jeune étudiante de la faculté de médecine. Avec ses amies, elle s'occupe de l'antenne médicale de l'EuroMaidan.Iaryna: Ce que l'on veut, c'est qu'on nous donne une perspective de signer l'accord d'association avec l'Union européenne, et que le gouvernement de Mykola Azarov et de Victor Ianoukovitch soit destitué, et s'assurer que l'Etat de droit, les droits de l'homme soient assurés... Et ainsi de suite. Vous savez, les gens sont déjà allés loin dans la contestation, et il n'est pas possible de faire marche arrière. La contestation à Lviv est en effet allée bien loin. La ville compte moins d'un million d'habitants, mais elle est devenue le deuxième foyer de contestation du pays. Alors que dans le reste de l'Ukraine, notamment à Kiv, on parle de pressions des autorités ou de violence policières contre les manifestants, ici, rien de tout ça : L'EuroMaidan bénéficie de la protection toute particulière du maire, Andriy Sadovyi.Personnalité indépendante, il est en poste depuis 2006 et il s'est imposé comme une personnalité atypique en Ukraine. Il en veut pour preuve le développement tout à fait remarquable de sa ville. Est-ce que la foule rassemblée quasiment sous ses fenêtres le dérange ? Pas le moins du monde.Sadovyi: C'est un EuroMaidan, sincère et enthousiaste, initié par des jeunes étudiants. Ils sont nés pour la plupart dans une Ukraine indépendante, et ils sont ouverts, ils ne sont pas contaminés par les traumatismes du communisme. D'ailleurs l'EuroMaidan est spécial à Lviv aussi parce que les étudiants ont refusé d'être récupéré par les politiques. Pour moi, c'est un grand honneur de les soutenir. Vous savez que les mouvements de résistance ont toujours été très puissants dans l'ouest de l'Ukraine. Je ne conseillerai à personne de venir faire du mal aux gens d'ici.Au sein de l'Ukraine indépendante, l'ouest s'est toujours placé à part. Lviv se veut le cœur du renouveau national ukrainien, et la ville a souvent défié la majorité parlementaire du Président Victor Ianoukovitch. Iaryna, la jeune infirmière, l'explique avec lyrisme :Iaryna: Lviv, c'est le cœur de notre pays, il comprend ce qui se passe. Kiev, c'est la tête. Et sans le cœur, la tête ne peut pas fonctionner. En tous cas, un esprit bien particulier règne sur l'EuroMaidan. « La police est avec le peuple », explique-t-on parmis les manifestants, après que quelques officiers de police sont venus demander des boissons chaudes à un stand d'approvisionnement gratuit. Ici, des unités de police anti-émeutes auraient refusé d'obéir aux ordres venus d'en haut d'évacuer l'EuroMaidan.Une atmosphère sereine qui laisse donc plus de temps pour penser à l'issue du mouvement. Melanyia Podoliyak est une jeune étudiante, et membre d'un groupe d'analyse de la situation. Pour elle, la mobilisation est déjà un succès. Mais que ce soit à Lviv ou à Kiev, elle a du mal à voir où cela peut mener.Melanyia:  Je me considère comme une optimiste, donc je suis convaincu que l'on peut obtenir quelque chose. Mais il y a de grosses différences avec la révolution orange de 2004. Une des plus grosses différences, c'est que l'on a pas de personne qui puisse réunir les foules autour de lui ou d'elle. Nous avons ces trois leaders d'opposition, qui sont des personnes tout à fait respectables, mais elles ne peuvent pas arriver à décider quoi faire ensemble. Alors pour donner du grain à moudre au mouvement, le mot d'ordre, c'est « tous à Kiev ! », comme l'explique Otar Dovzhenko, jeune professeur de journalisme, qui dirige bénévolement le centre de presse de l'EuroMaidan.Otar: Depuis les violences policières du 30 novembre, tous les efforts sont concentrés sur Kiev. De nombreuses personnes font le voyage assez régulièrement pour y amener de l'équipement et des gens. La semaine dernière, un homme s'est présenté pour organiser un système de navettes permanent, pour aider à l'organisation là-bas, et je sais que beaucoup de personnes y vont par leurs propres moyens. Beaucoup de gens sont déjà revenus, mais je pense que là-bas, il n'y a pas moins de 30, 40.000 Lviviens qui y sont allés. Ils ont besoin de beaucoup d'aide là-bas, de la nourriture, des vêtements... Après avoir réuni 50.000 personnes le 1 décembre, l'EuroMaidan de Lviv n'aurait réuni que 20.000 personnes à la manifestation du 8 décembre. Pas par un manque de motivation, mais bien un signe qu'il serait temps de plier bagage et de déménager à Kiev. Après tout, à Lviv, la révolution semble déjà bel et bien gagnée...Ecouter le reportage ici

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