LLB: Ukraine, Vous avez dit "extrémiste?"

Article publié dans La Libre Belgique, le 29/01/2014En Ukraine, difficile de distinguer qui serait plus "extrémiste" qu’un autre. Gouvernement, opposition et protestataires se rejettent les accusations de dérive radicale. Et de fait, après dix semaines de manifestations contre le régime de Viktor Ianoukovitch, la radicalisation de la situation affecte toutes les parties en présence. Les protestataires antigouvernementaux ont pris les armes, les policiers leur ont répondu par des tirs à balles réelles. Sept morts, des centaines de blessés, des dizaines de personnes arrêtées ou portées disparues sont à déplorer.Kyiv, rang de protection de la barricade d'Institutska ul., 24Fer de lance des affrontements avec la police, sur la rue Hrushevskoho dans le centre de Kiev, le groupe ultra-nationaliste Pravyi Sektor (Secteur droit) a fait les gros titres de la presse internationale. Andriy Tarasenko, l’un des coordinateurs du mouvement, réclame sans détour une "révolution nationale", qui permettrait de se débarrasser de "l’occupation coloniale russe". Et de reconnaître simplement que Pravyi Sektor "n’a jamais été pacifique, jamais au Parlement, et que nous ne le serons jamais".Russophones d’originePour ce groupe ultranationaliste, les frontières sont poreuses. Nombre de ses partisans sont russophones d’origine. Et si Pravyi Sektor a érigé les victimes des tirs de la police en héros, le premier était né en Arménie, et le second, en Biélorussie. Selon les estimations, le groupe est constitué de quelques centaines de militants, loin des dizaines de milliers de personnes qui exigent, dans la rue, le renversement d’un régime jugé autoritaire et corrompu."Tout le monde est frustré. Il fait très froid, on n’a eu aucun résultat pendant des semaines, et l’opposition se comporte comme s’il s’agissait juste d’un jeu pour obtenir des postes de ministres", enrage Mihaylo, casque de l’Armée rouge sur la tête et barre de fer au poing, qui se réchauffe auprès d’un brasero, à l’arrière des barricades. Lui se décrit comme un "citoyen pro-actif, apolitique, patriote mais pas nationaliste pour autant. Je veux juste construire un meilleur futur pour mes enfants". Frustration confirmée par Olga Papash, une militante gauchiste, qui indique que "plusieurs militants de gauche sont impliqués dans les affrontements contre la police, aux côtés de Pravyi Sektor".La radicalisation de la situation revêt des formes multiples. Le groupe "Spilna Sprava" (Cause commune) a été fondé en 2011 par l’avocat Oleksandr Danylyuk, pour défendre les intérêts des PME. Ces derniers jours, il s’est démarqué par l’occupation de bâtiments officiels, notamment le ministère de l’Agriculture, de l’Energie et de la Justice. L’assaut de ce dernier a poussé la ministre de la Justice, Olena Loukash, à menacer de l’instauration "immédiate" de l’état d’urgence. Menace reportée sine die, après que les protestataires ont évacué son ministère au bout de quelques heures.Etat d’urgence"Nous ne sommes pas radicaux", se défendait Oleksandr Danylyuk le 27 janvier. Nous sommes des personnes mesurées, qui prennent des décisions mesurées". Selon lui, la menace de l’état d’urgence n’est pas pertinente, étant donné qu’un état d’urgence est déjà en vigueur en Ukraine. "Comment appelez-vous une situation où nos gars se font tuer, kidnapper, jeter en prison, où on brûle nos propriétés, détruit nos voitures ?" Et de critiquer ouvertement "l’incompétence" des leaders de l’opposition sur sa page Facebook : "Vous, incapables, êtes aussi responsables des morts de la semaine dernière".Signe des temps, le parti Svoboda, que l’on jugeait lors de son entrée au Parlement, en octobre 2012, comme extrémiste, ne cesse de se désolidariser de ces groupes d’actions. "Ces gens vont bien trop loin", s’alarme un dignitaire du parti, qui préfère garder l’anonymat. "A force de violences et de provocations, ils vont conduire à une perte totale de contrôle de la situation".

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