RFI: L'économie ukrainienne au plus bas

Reportage diffusé dans l'émission Accents d'Europe, le 13/06/2014En Ukraine, le nouveau président ukrainien, Petro Porochenko, a certes été élu avec une forte majorité, à plus de 54% au premier tour. Mais il prend la tête d'un pays aux abois, en état de guerre dans ses régions orientales, et dans une situation économique très difficile, voire catastrophique. Le point sur la situation avec Sébastien Gobert à Kiev.photo Entre les combats meurtriers contre paramilitaires séparatistes dans l'est de l'Ukraine et une économie au bord de la banqueroute, Petro Porochenko a du pain sur la planche. L'économie du pays devrait se contracter d'au moins 5% en 2014, selon les estimations actuelles. Depuis le début de l'année, à mesure que la crise s’aggravait dans le pays et avec la Russie,  les prévisions se faisaient de plus en plus pessimistes,.  Mais à toutes les questions économiques, le nouveau président a apporté une seule réponse, qu'il a asséné pendant sa campagne électorale, comme pendant ce discours, tenu début mai.  Porochenko: Sur la table, il y a l'accord d'association avec l'Union européenne. Et c'est ça, mon programme économique. Il n'y a pas besoin de chercher midi à 14h. Cet accord, c'est la modernisation de l'Ukraine. Quand j'étais ministre du développement économique, j'ai supervisé les négociations de cet accord et j'ai oeuvré à la création d'une zone de libre-échange avec l'Union européenne. Cet accord est un instrument de lutte contre la corruption, pour augmenter la transparence. 30% du contenu vise à améliorer le fonctionnement de l'Etat, à réduire le mille-feuille administratif, pour réguler les marchés publics, pour accompagner le développement des entreprises. Tout est là, il n'y a rien à inventer, il faut juste l'appliquer.  Petro Porochenko ne s'est donc pas embarrassé des détails. Lui et son gouvernement comptent sur  l'assistance de l’Union européenne, des Etats-Unis et du FMI pour les réformes nécessaires. Mais la monnaie nationale, le Hryvnia, a perdu 40% de sa valeur face à  l'euro, l'inflation a bondi de 10%, les rentrées fiscales venues de Crimée et de l'Est ont été soit interrompues, soit réduites. Petro Porochenko a déjà annoncé vouloir soutenir l'industrie de l'armement, afin d'abord de gagner la guerre, et ensuite relancer l'économie.  Mais pour l'économiste Ildar Gazizulin, cela ne suffira pas. Certes, grâce au soutien international, il ne croit plus que l'Ukraine soit au bord de la banqueroute. Mais le fait est que les investisseurs étrangers évitent l'Ukraine.  ildar:  Le plus gros problème aujourd'hui, c'est que la balance des investissements directs étrangers est négative pour l'Ukraine. Les investisseurs attendent que la situation politique et économique se calme, c'est normal. Pour cela, le premier signal positif, ça a été l'obtention du prêt du FMI. Donc on peut s'attendre à ce que d'ici la fin de l'année prochaine, nous aurons de nouveaux des capitaux étrangers qui seront investis en Ukraine. C'est une attente très sérieuse, puisque cela veut dire que le gouvernement conduit effectivement les réformes, qu'il combat la corruption, et qu'il fait ce qu'il dit. Et ce d'ici le début de l'année prochaine.  Autre  économiste Victor Souslov, considère également que les facteurs extérieurs sont extrêmement importants pour l'avenir de l'économie nationale. Mais il s’inquiète aussi du changement de stratégie de l’Ukraine  qui se détourne désormais de ses partenaires traditionnels.  Victor:  dans le premier trimestre 2014, les exportations ukrainiennes à destination des pays de la communuauté des Etats indépendants, issus de l'URSS, se sont contractées de 23%. Ca fait quand même quelques milliards de dollars, ce n'est pas négligeable. Beaucoup espèrent que l'ouverture à l'Union européenne va compenser ces pertes, que les marchés européens vont absorber les produits ukrainiens. Mais la probabilité d'une telle absorption n'est pas sérieuse. Il n'y a pas de demande européenne pour les produits ukrainiens, qui n'ont pas les mêmes standards de production. La situation économique en Ukraine se dégrade continuellement, et ça ne va pas s'arrêter.  Le marché russe  compte pour 25% des exportations ukrainiennes. L'état de guerre qui règne entre les deux pays, et la fermeture progressive de la frontière par les autorités ukrainiennes, nuisent à des centaines d'aciéries et d'entreprises de machinerie, qui souffrent des tensions actuelles. La question de l’approvisionnement en gaz, est une épine particulièrement douloureuse dans le pied des Ukrainiens, alors que les négociations bloquent sur une baisse du coût des importations.  Conséquence pour les ménages, une facture énergétique qui s’est envolé de 50%  et pour les entreprises  de 40% . Ildar Gazizulin estime qu'une nouvelle augmentation est à prévoir à l'automne.  Ildar:  Nous parlons des ménages qui utilisent le gaz pour le chauffage, ainsi que les collectivités locales. Selon de récents changements introduits dans la législation au moment où le gouvernement a augmenté les prix du gaz, il n'a plus a subventionner les communautés locales pour le chauffage, et les prix vont augmenter, en particulier pendant l'hiver. Les gens vont devoir payer plus. Et c'est un problème, un problème de pauvreté énergétique.  Selon Ildar Gazizulin, le système de protection social peut compenser ces augmentations jusqu'à un certain point. Et les experts d’avouer d’ores et déjà que la population ukrainienne va payer un lourd tribu aux efforts de sauvetage de l'économie. Après la révolution de l'EuroMaidan, la société ukrainienne est prête à accepter des sacrifices, mais jusqu'à quel point ? En échange, le gouvernement s’attellera-t-il à la lutte contre la corruption ? Les mois prochains seront cruciaux pour les nouveaux dirigeants ukrainiens.

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