RFI: La chaîne ukrainienne Inter bientôt fermée?
Séquence "Chronique Média", diffusée dans l'émission "Accents d'Europe, le 12/01/2014Un nouvel épisode de la guerre non-déclarée entre l’Ukraine et la Russie, alors que les autorités ukrainiennes semblent décidées à fermer une des principales chaînes de télévision d’Ukraine. Inter, très russophone et russophile, est accusée de propagande anti-ukrainienne, notamment à travers la diffusion, le soir du Nouvel an, d’un concert de stars russes.On imagine mal un concert de Nouvel An qui puisse provoquer un scandale politique. Qu’y avait-il dans ce concert autre que chansons, paillettes et confettis?et bien il y avait des chanteurs et acteurs russes qui soutiennent ouvertement la politique impérialiste russe de Vladimir Poutine, l’annexion de la Crimée et les groupes séparatistes pro-russes dans l’est de l’Ukraine. L’un d’entre eux, Iossif Kobzon, qui a 77 ans et est surnommé par certains le Franck Sinatra russe, a même donné un concert de soutien à Donetsk en octobre dernier. Il est depuis persona non grata en Ukraine, et c’est pourquoi ce concert du nouvel an sur la chaîne Inter était retransmis en direct depuis Moscou.Alors pour beaucoup en Ukraine, c’en a été de trop. La polémique a tout de suite pris de l’ampleur, en premier lieu sur les réseaux sociaux, certains accusant Inter d’avoir craché au visage de tous les Ukrainiens. Le secrétaire du conseil national de sécurité et de défense de l’Ukraine, Oleksandr Tourchinov, a demandé, dès le 2 janvier, que la licence de la chaîne lui soit retirée pour son “ignorance explicite des intérêts nationaux de l’Ukraine”. Inter a qualifié vendredi les attaques dont elle est la cible de "provocations et de pressions politiques sur les médias”. La décision finale n’a pas encore été prise, mais la chaîne Inter est dénoncée depuis des années comme un cheval de Troie de la Russie, et ce concert pourrait bien être la goutte qui a fait déborder le vase…Qu’entendez-vous par “cheval de Troie?”la chaîne a été créée en 1996 et s’est caractérisée depuis par un ton très russophile, et une opposition farouche à l’opposition démocratique en Ukraine, ce qui a été particulièrement évident pendant la révolution orange de 2004 et la révolution de la dignité en 2013-2014. A la tête de Inter, on trouve une nébuleuse de personnalités proches de l’ancien président Victor Ianoukovitch et du pouvoir russe actuel. Par exemple Victor Medvechuk, qui est le chef de file très controversé d’un mouvement minoritaire pro-russe. Et bien le parrain de sa fille, c’est Vladimir Poutine lui-même. Depuis plus d’un an, et en particulier dans le contexte de guerre non-déclarée entre l’Ukraine et la Russie, Inter est accusée d’avoir choisi son camp dans la guerre médiatique qui fait rage, et de servir la propagande russe. Et donc Inter devait, à un moment ou à un autre, être dans le collimateur des autorités ukrainiennes.Oui, et d’autant plus que le gouvernement a récemment créé un ministère de l’information…? Oui, c’est une initiative là encore très controversée. Ce ministère a des contours et une mission assez floue: il s’agit de contrer la propagande russe en créant une stratégie de communication d’Etat en Ukraine et de prévenir les atteintes à la sécurité nationale.Sur l’affaire d’Inter, le ministre Iouriy Stets, le nouveau ministre de l’information ???? c’est ça ? qui est un des proches du président Porochenko, s’est empressé de rappeler qu’il ne voulait pas dicter de ligne de conduite à tel ou tel média, mais qu’il devait veiller à l’application de la loi ukrainienne. si des personnalités russes comme le chanteur Iossif Kozbon sont persona non grata sur le territoire ukrainien, cela veut aussi dire qu’ils ne peuvent pas s’inviter à la télévision. Pour lui, Inter est coupable, et tout porte à croire que la chaîne sera fermée ou en tout cas fortement bridée à un moment donné, dans le cadre de la guerre médiatique ukraino-russe. Mais Inter est quand même une des chaînes les plus regardées en Ukraine…? Oui, elle est une des trois chaînes de télévision les plus populaires du pays. la direction, en publiant son communiqué d’explication du concert du nouvel an, s’est d’ailleurs félicité que celui-ci ait été le plus regardé en Ukraine, avec 11 millions de téléspectateurs! Inter est le plus gros diffuseur de séries russes et le troisième diffuseur d’émissions produites en Russie, dont les Ukrainiens sont friands. Alors même si certains dénoncent un impérialisme culturel russe, il s’agit quand même de produits extrêmement populaires, comme l’a été le concert du nouvel an. il y a donc une frontière subtile entre défense des intérêts nationaux et censure, protection de la culture ukrainienne et propagande. et on voit que les autorités ukrainiennes cherchent leurs marques.Ecouter la séquence ici