RFI: Le chef du Service de Sécurité d'Ukraine limogé
Intervention dans la séquence "Bonjour l'Europe", le 22/06/2015Encore des remous dans l’exécutif ukrainien. Dans le contexte de la guerre du Donbass et la crise économique, l’exécutif affiche une unité de façade. Mais on est loin de l’union nationale. Il y a déjà eu plusieurs scandales et conflits au sein de l’équipe au pouvoir. Là, c’est Valentin Nalyvaichenko, le chef du Service de sécurité de l’Ukraine, le SBU, héritier du KGB soviétique, qui a été démis de ses fonctions par le Parlement.Alors, cet homme, Valentin Nalyvaichenko; pourquoi a-t-il été renvoyé à un moment où les structures de sécurité de l’Ukraine ne peuvent pas vraiment se permettre de scandale…? En politique ukrainienne, vous savez que les intérêts personnels priment la plupart du temps sur les intérêts de l’Etat, et il semble qu’on peut toujours se permettre le scandale. Valentin Nalyvaichenko était en poste depuis février 2014, juste après la fin de la Révolution de la Dignité. Il s’était acquitté de sa tâche dans des circonstances très difficiles. Mais ces dernières semaines, il avait multiplié les accusations contre le procureur général adjoint, celui-ci étant soupçonné de dissimuler des éléments dans l’incendie d’une raffinerie de pétrole géante dans le sud de Kiev.Mais voilà, le Procureur général et ses adjoints sont choisis par le Président Petro Porochenko. Donc ces accusations ne sont pas bien passés en haut lieu. La tension est montée rapidement. Valentin Nalyvaichenko a tenté un baroud d’honneur, en promettant devant les journalistes qu’il viendrait chercher le procureur adjoint avec des forces spéciales s’il le faut. Il n’en a pas eu le temps, il a été démis de ses fonctions par le Parlement le 18 juin, sur proposition du Président.Ce serait donc une simple question de rivalité politicienne? Vraisemblablement, oui. Valentin Nalyvaichenko était un des derniers dirigeants d’institutions d’Etat à avoir été nommé avant que Petro Porochenko devienne président. Le SBU, le service de sécurité, a une influence très importante en Ukraine: il fallait donc pour le Président s’assurer de son contrôle. En plus de Valentin Nalyvaichenko, le Président a aussi renvoyé 4 hauts dirigeants du SBU. Aujourd’hui, on voit que les candidats potentiels n’ont pas forcément meilleure réputation que l’ancien chef de l’agence. Mais ils sont tous fidèles à Petro Porochenko. Cela indique une prise de contrôle assez marquée.Dans le même temps, toutes les charges contre le procureur général adjoint, lui aussi très controversé, sont abandonnées. Il peut donc continuer à travailler comme si de rien n’était.Justement, quels sont les résultats du Bureau du Procureur? Et bien ils sont quasi-nuls, c’est aussi cela le problème. Si encore Petro Porochenko défendait un Bureau du procureur dynamique, transparent et efficace, on pourrait croire que Konstantin Nalyvaichenko était allé trop loin. Mais ce Procureur n’a pas été capable de condamner un seul dignitaire de l’ancien régime, malgré des preuves d’abus de pouvoir et corruptioncensées être accablantes. Alors Petro Porochenko qui défend une équipe de procureurs incompétents et à la réputation douteuse, notamment à cause d’allégations de corruption, ça soulève de nombreuses questions.De manière générale, il faut dire que la réforme de la justice est la grande oubliée des progrès réalisés par le gouvernement au cours de l’année passée. Le Bureau du procureur, la magistrature, le code pénal: rien n’a été modifié en profondeur. Il faut dire que l’on est très loin des abus d’avant la Révolution; il y a des progrès notables. Mais l’incertitude flotte: est-ce que Petro Porochenko, et l’exécutif avec lui, agissent dans leurs propres intérêts ou dans ceux de l’Etat? Les polémiques font rage. Et, il faut toujours le rappeler, la société civile ukrainienne est impatiente, désireuse de réformes, de progrès, de résultats. Et on ne sait pas combien de temps elle est prête à attendre.Ecouter la séquence ici