RFI: Praviy Sektor, instrument d’une banale guerre de gangs?
A l’origine, une histoire de familles entre un député originaire de la Transcarpathie et réputé pour avoir le contrôle de la très fructueuse contrebande de cigarettes, et un autre qui veut se l’approprier et en retirer les bénéfices. Dans l’hiver 2013-2014, le deuxième est parvenu à mobiliser la section locale de Praviy Sektor (secteur droit) - le fameux groupe paramilitaire d’extrême droite né pendant la Révolution.Or, samedi dernier, une fusillade meurtrière a éclaté dans l’ouest de cette région proche de la frontière avec la Hongrie. Des militants armés ont rendu visite au premier député. La rencontre a dégénéré en bataille rangée avec armes automatiques, véhicules blindés et grenades. Bilan : au moins trois morts, plusieurs blessés et, côté Praviy Sektor, une dizaine de « fuyards » qui ont pris le maquis et qui étaient encore, ce jeudi, recherchés par les forces spéciales ukrainiennes.Depuis, toute l'Ukraine vit sous la menace d'affrontements généralisés entre bataillons de volontaires et forces régulières. Et la situation est très tendue. Les manifestations se sont multipliées dans plusieurs grandes villes d’Ukraine. Le 14 juillet, deux bombes ont explosé devant des commissariats à Lviv, la capitale de l’Ouest, blessant deux policiers. Et des annonces contradictoires ont fait état du retrait de quelques unités de Praviy Sektor du front de l’Est dans le Donbass.Comment désarmer les groupes illégaux ? Pour autant, y a-t-il un réel risque d’escalade ? Si l’affaire a pris tant d’ampleur, c’est que Praviy Sektor est impliqué, c’est-à-dire un parti politique très controversé et doté d’une branche armée. La question de Praviy Sektor, et des bataillons de volontaires plus ou moins nationalistes, est épineuse depuis longtemps. Les militants mobilisés pendant la révolution et ensuite dans la guerre contre les forces russes et pro-russes accusent l’exécutif politique et militaire ukrainien d’incompétence et de corruption.A Kiev, le gouvernement s’efforce depuis un an de les mettre au pas et de réduire le risque de voir émerger un véritable contre-pouvoir. Le défi est bien sûr conséquent. Le président Porochenko a beau jeu de promettre le désarmement des groupes illégaux, mais s’il passe effectivement à l’acte, les risques d’affrontement généralisés sont réels, et d’autant plus dangereux pour l’Ukraine que les rumeurs vont bon train d’une offensive russe pendant l’été. Pour l’heure, l’exécutif est impuissant. Et l’opinion publique est divisée entre ceux qui traitent les hommes de Praviy Sektor de bandits et ceux qui les considèrent comme des héros.Enfin, le groupe Praviy Sektor passerait pour bénéficier des trafics en Transcarpathie, auquel cas il ne servirait que d’instrument dans une banale guerre de gangs. Et c’est sans doute cela qui est le plus grave. On voit que les autorités d’Etat sont encore très faibles, corrompues et peu préparées à faire face à ce genre de situation. Et non seulement Petro Porochenko ne semble pas décidé à dissoudre les bataillons de volontaires, mais il se contente de renvoyer quelques dignitaires en Transcarpathie. Aucune réforme structurelle n’est sur la table.C’est ce qui désespère la plupart des observateurs, qui considèrent que cette affaire peut se répéter n’importe où, n’importe quand. En attendant, la population subit l’impact de la contrebande, de la corruption et du crime organisé.