RFI: Un allègement de la dette ukrainienne qui ne profite pas à la population

Intervention dans la séquence "Bonjour l'Europe", sur RFI, le 29/08/2015Ce vendredi 27 août a marqué le dénouement d’une longue saga de 5 mois de négociations sur la dette ukrainienne. Le Premier Ministre Arséni Iatseniouk a annoncé victorieusement l’effacement de 3.8 milliards de dollars de dette publique. L’Ukraine ne fera donc pas défaut, comme beaucoup le craignaient. Mais la population n’en profitera pas pour autant… Ukrainian Finance Minister Natalia Yaresko speaks to the media during news conference in Kiev, Ukraine, June 19, 2015. REUTERS/Valentyn OgirenkoLe gouvernement ukrainien a présenté cet accord sur la dette comme une victoire historique, est-ce bien le cas? Dans un sens, oui, car, comme vous le disiez, l’Ukraine ne va pas faire défaut sur le paiement de sa dette, le pays reste solvable, et continue à avoir accès aux marchés internationaux de l’emprunt.C’est un signal important pour les investisseurs internationaux, et cela veut aussi dire que l’Ukraine est à deux doigts de sécuriser définitivement un paquet d’aide internationale de 40 milliards de dollars sur les 4 prochaines années.Cela dit, il faut tempérer. Le gouvernement ukrainien exigeait 40% d’effacement de ses Eurobonds, c’est-à-dire des bons du trésor émis au sein d’un système européen libellé en euros. Arséni Iatseniouk était très ferme là-dessus, il avançait qu’une grosse partie des dettes contractées l’avaient été par le régime corrompu de Viktor Ianoukovitch. Mais avec ces 3,8 milliards d’effacés, il n’a obtenu que 20% de réduction de ces Eurobonds. Il en reste beaucoup à payer. Et il faut rappeler que ces Eurobonds ne sont qu’une partie de la dette publique ukrainienne, qui s’élève aujourd’hui à plus de 75 milliards de dollars, soit plus de 80% du PIB ukrainien.75 milliards? Ah donc, rien n’est réglé…? Et bien, Un point positif qui a été démontré par cet accord, c’est que la plupart des créditeurs internationaux de l’Ukraine semble s’être rangé aux arguments du gouvernement, selon lequel l’Ukraine post-révolutionnaire, pays en guerre, a besoin de temps, de soutien, et d’arrangements financiers pour l’aider dans son effort de réformes. Une des dispositions de l’accord, c’est d’ailleurs que l’Ukraine n’a pas besoin d’effectuer de remboursement majeur sur sa dette pendant les 4 prochaines années!Mais oui, en effet, l’Ukraine n’est pas sortie d’affaire, notamment vis-à-vis de la Russie. Moscou refuse tout net la renégociation d’un prêt de 3 milliards de dollars. C’est de l’argent que Viktor Ianoukovitch avait obtenu un mois à peine avant de fuir l’Ukraine, en février 2014. Et la plupart de cet argent a disparu. Arséni Iatseniouk ne veut pas le rembourser, et à vrai dire, il n’en a presque pas les moyens. Il a jusqu’en décembre pour trouver une solution. Donc on peut s’attendre à d’autres moments tendus dans les mois à venir.Mais quel est l’impact de ces négociations sur l’économie réelle, sur la population? Justement, c’est là le côté le plus dramatique. Cet allégement de la dette n’a aucun impact sur la population, qui est confrontée à une crise économique sans précédent. Pour vous donner quelques chiffres: l’inflation a dépassé les 55% d’augmentation des prix, les prix de l'énergie ont été augmenté de 450%, les salaires dévalués, les retraites et les aides sociales, baissées, et ainsi de suite.Et cela ne va pas s’arranger de si tôt, car l’aide internationale, du FMI, de l’Union européenne et des Etats-Unis, est conditionnée à l’adoption de sérieuses mesures d’austérité. Je parlais hier à un expert financier sur l’Ukraine: il me disait qu’il faudrait jusqu’en 2022 pour que le salaire moyen ukrainien arrive au niveau… de la Moldavie. Autant dire que les perspectives sont moroses, et en plus, elles dépendent de la situation à l’est du pays, sur le front militaire, et là non plus, il n’y a pas de quoi être optimisme.

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