LLB: Heurts meurtriers aux abords du Parlement ukrainien
Article publié dans La Libre Belgique, le 31/08/2015
Les cris de “Honte!” et “Dehors les bandits”, on y est habitué à Kiev depuis longtemps. Mais c’est bien depuis février 2014 et la fin de la Révolution de la Dignité que la capitale ukrainienne n’avait pas assisté à une telle flambée de violence meurtrière, un policier mort et près d’une centaine de blessés en quelques minutes. Réunis devant le bâtiment de la Verkhovna Rada (Parlement), des centaines de membres du parti nationaliste Svoboda et d’autres mouvements ultra-nationalistes se sont longtemps confrontés aux forces de l’ordre, à l’aide de différents projectiles, bombes lacrymogènes, et même d’une grenade. Dans la foule, des personnes âgées tapant les casques de policiers avec des hampes de drapeaux. Mais aussi des jeunes militants, aux attaques plus professionnelles. Selon le ministère de l’intérieur, au moins 30 autres grenades ont été retrouvées dans des voitures avoisinantes après les échauffourées. Autant dire que la situation aurait pu dégénérer.Si les violences ont pris tous les observateurs par surprise, la manifestation était attendue. Les forces nationalistes protestaient contre une réforme constitutionnelle initiée par le Président Petro Poroshenko, qui inclut une décentralisation de l’Etat, et prévoit l’adoption future d’un statut spécial pour les régions de Donetsk et de Louhantsk sous contrôle séparatiste. Une réforme-clé sur l’agenda présidentiel, soutenu par ses partenaires occidentaux et partie de l’application des Accords de Minsk. Il n’empêche qu’elle reste très controversée, bien au-delà de la problématique du Donbass.Au sein même de la coalition gouvernementale, on accuse le Président de proposer une réforme en trompe-l’œil. Le Président concède ainsi à la disparition du poste de gouverneur de région, jusqu’ici nommé directement par le Président. Mais il entend créer dans le même temps des postes de préfets, nommés par Kiev. Ceux-ci auraient autorité pour suspendre les collectivités territoriales, s’ils en venaient à juger leurs actions “illégales”. Au lieu de décentralisation, le pouvoir central retiendrait donc un contrôle exclusif sur les autorités locales.La réforme est bien passée à la mi-journée, adoptée à 265 voix sur 398. Reste un long chemin avant une adoption définitive de la réforme. Mais déjà dans l’hémicycle, l’ambiance était bouillante. Le Parti Radical d’Oleh Lyachko avait bloqué la tribune pendant plusieurs heures, pour protester contre “des tours de forces du Président”. Le parti réformateur Samopomitch (Auto-Aide), a lui refusé de voter pour la proposition présidentielle, estimant qu’elle “allait directement à l’encontre des intérêts des Ukrainiens”. Cinq de ses représentants dissidents ont néanmoins voté pour la réforme. Deux heures après, ils ont été expulsés du parti.Ces deux formations étant parties prenantes de la coalition gouvernementale, c’est bien la survie de cette dernière qui est remise en cause. Elus pour des réformes de fond, les députés ukrainiens semblent s’être perdus, encore une fois, dans des querelles politiciennes aux conséquences violentes.----------------Berlin condamne des violences "inacceptables"L'Allemagne qualifié lundi d'"inacceptables" les violences commises dans la journée à Kiev, où l'adoption d'un projet de loi octroyant une plus grande autonomie aux régions séparatistes prorusses a tourné à l'affrontement entre policiers et militants d'extrême droite."Nous condamnons avec la plus grande fermeté les émeutes sanglantes qui ont eu lieu aujourd'hui devant le Parlement à Kiev", a-t-on déclaré au ministère allemand des Affaires étrangères, alors que ces heurts ont fait au moins un mort et une centaine de blessés."La violence dans la rue est à tous égards inacceptable - mais la violence contre les décisions d'un Parlement élu l'est encore davantage", poursuit-on de même source.Berlin s'est félicité "que les auteurs de violences n'aient pas atteint leur but et que le Parlement ukrainien ait franchi aujourd'hui, avec l'adoption de la réforme constitutionnelle en première lecture, un pas important vers la décentralisation et la mise en oeuvre" des accords de paix de Minsk.C'est la première fois depuis le soulèvement pro-européen de Maïdan début 2014, qui avait conduit à la chute du président prorusse Viktor Ianoukovitch, que la capitale ukrainienne connaît de tels violences.Les affrontements ont opposé les forces de l'ordre à, notamment, des membres du parti nationaliste et antirusse Svoboda.