RFI: Les représentants de l'Ancien Régime ukrainien bien placés avant les élections

Intervention dans la séquence "Bonjour l'Europe", le 24/10/2015Parmi toutes les élections qui se tiennent à travers le monde ce weekend, les Ukrainiens se rendent eux aussi aux urnes, pour élections locales: municipales, cantonnales et régionales. Même s’il ne va pas changer l’équilibre du pouvoir à Kiev, l’enjeu du scrutin est conséquent: les oligarques du pays et les représentants de l’ancien régime pourraient revenir en force sur l’échiquier politique…IMG_2007Comment expliquer que les représentants d’un ancien régime autoritaire et corrompu soient bien placés dans les sondages? C’est avant tout un signe du mécontentement de la population vis à vis de la politique du président Petro Porochenko et du premier ministre Arseni Iatseniouk. Après plus d'un an au pouvoir, à la suite de la révolution de la dignité, les réformes n'avancent pas, ou en tout cas c'est comme cela que l'opinion publique le perçoit.Et donc ce dimanche, les représentants de l'ancien régime vont bénéficier d'un vote de protestation, instrumentalisé par les oligarques du pays. Ces oligarques se spécialisent dans la création de petits partis techniques sans idéologie, destinés à désorienter les électeurs. On assiste donc à la multiplication de bannières, d'affiches, de slogans tous plus racoleurs les uns que les autres. On voit des artistes, des mannequins, et même Dark Vador, qui se portent candidats. Evidemment, ça brouille les cartesMais surtout, une des raisons pour lesquelles les représentants de l'ancien régime sont bien classés en amont de cette élection, c'est qu'ils n’ont jamais quitté la scène politique depuis la révolution. Beaucoup sont soupçonnés de corruption, d'abus de pouvoirs, de pratiques mafieuses, mais ils n’ont jamais été sérieusement inquiétés par la justice. C'est en grande partie parce que le système judiciaire n'a pas été réformé, et que les partis qui se disent réformateurs n'ont pas réussi à changer les règles du jeu politique.Ce qui veut dire que les forces politiques réformatrices ne sont pas suffisamment unies…? Exactement, et c'est criant dans le contexte de cette élection. Le parlement a fait passer une nouvelle loi électorale qui était censée empêcher toute manipulation et fraude: on fait on voit que cette loi n'éclaircit pas le processus politique, et qu'en plus elle sert les intérêts du parti présidentiel.Chacun essaie ici de tirer la couverture à soi, et les partis membres de la coalition gouvernementale se déchirent pour placer leurs candidats. On voit même des cas où ils préfèrent soutenir des politiciens à la réputation sulfureuse et corrompue plutôt que de s'unir derrière un candidat réformateur d'un parti concurrent.En fait, les résultats de ce dimanche pourraient bien sonner le glas de la coalition gouvernementale, faire tomber le gouvernement, et provoquer des élections législatives anticipées. On n'en est pas encore là. Mais beaucoup de gens ont cela en tête ce week-end.Et pour illustrer concrètement tout cela, Vous vous trouvez à Odessa, où l’issue de l’élection est une des plus incertaines du pays. Quelle est la situation? Et bien C'est haut en couleur, à la mode d'Odessa. Le président Porochenko et le tonitruant gouverneur Mikheil Saakachvili, l'ancien président de Géorgie, soutiennent un candidat réformateur mais totalement inconnu, Sasha Borovik. Ses chances de l'emporter sont tellement maigres qu'en fait on pense qu'il ne serait qu'un candidat technique pour permettre la réélection du maire actuel, Hennadiy Troukhanov, un ancien pro-russe reconverti, aux pratiques mafieuses.Un autre politicien à la réputation sulfureuse, Serhiy Kivalov, qui s’est fait construire une villa exubérante que l’on appelle le chateau de Harry Potter, et bien lui est candidat dans une petite ville de banlieue. Il y a mobilisé 700 étudiants et les a simplement enregistré comme habitants de la ville! Ce qui a presque doublé la population locale On peut imaginer pour qui ces nouveaux électeurs vont voter.D’une manière générale, à Odessa et dans le reste du pays, on s’attend à beaucoup de fraudes et à des résultats qui feront beaucoup d’insatisfaits, et qui peuvent être lourds de conséquences au niveau national.

Previous
Previous

A stroll on the "Harry Potter Beach" and other Odessa stories

Next
Next

La Tribune de Genève: "Mon plan est simple: Odessa sans Corruption!"