La Tribune de Genève: "Mon plan est simple: Odessa sans Corruption!"
Article publié dans La Tribune de Genève, le 23/10/2015
Aux élections locales de dimanche, à Odessa au sud du pays, comme ailleurs, les candidats de l’ancien régime seront-ils délogés? Pas sûr
«Vous voyez, derrière moi, ces jeunes gens? Quand je les ai rencontrés, je leur ai demandé s’ils quitteraient l’Ukraine s’ils en avaient la possibilité. Seulement trois sur cent ont répondu qu’ils resteraient». Dans la salle, le public se fige. Après un long silence, Oleksandr Sasha Borovik reprend le micro: «nous risquons de perdre notre plus précieuse richesse, notre jeunesse. C’est pour cela que je veux devenir maire! Mon plan est simple: Odessa sans corruption!» On entend à peine la fin de sa tirade, couverte par un tonnerre d’applaudissements. Dimanche, à Odessa, comme dans toutes les villes d’Ukraine, on votera pour les exécutifs locaux. Et la campagne bat son plein.
Galerie photos: Meeting de campagne de Sasha Borovik, le 22/10/2015, Odessa.
«Cela fait une semaine que je travaille comme volontaire dans l’équipe. Avant, comme tout le monde, je ne savais pas qui il était», confesse Ramina Zaichenko, une chanteuse patriote. Ukrainien de la diaspora, ancien de Harvard et de Microsoft, Sasha Borovik n’est arrivé en Ukraine qu’au début 2015. Après une mésentente avec le premier ministre Arséni Iatseniouk, il a rejoint l’équipe réformatrice du Géorgien Mikhaïl Saakachvili, quand ce dernier a été nommé gouverneur d’Odessa.A la surprise générale, Sasha est devenu le candidat officiel au fauteuil de maire. «C’est lui qui fera passer les réformes dont on a besoin. Odessa pourrait devenir la nouvelle Barcelone! Sasha mène une campagne de proximité, inédite à Odessa», explique Konstantin Batozski, consultant. «Il a programmé plus d’une dizaine de rencontres par jour, il va voir les gens, il s’intéresse à leurs problèmes. C’est une première, ici».«Borovik n’a aucune prise sur l’électorat odéssite, il ne comprend pas la ville. Il n’a aucune chance de l’emporter. En le nommant, le président Petro Porochenko a décidé que Troukhanov devait être réélu», analyse l’expert Brian Medford à Kiev. «Sans doute pour assurer une certaine stabilité, ou par la grâce d’un arrangement en sous-main.»«L’alternative, on la connaît», lance Serhiy, un jeune volontaire. «On sait tous que notre maire, Hennadiy Troukhanov, est là depuis toujours. Il a ouvertement soutenu les prorusses. Il a financé les titouchkis (casseurs) antirévolutionnaire pendant l’EuroMaïdan. Il a épuisé la ville par sa corruption. Les temps ont changé, il faut le déloger!»A Odessa, comme ailleurs en Ukraine, les représentants de l’ancien régime sont crédités de jolis scores au scrutin du 25 octobre. L’exubérant Serhiy Kivalov, l’organisateur des fraudes électorales de 2004, qui avaient porté Viktor Ianoukovitch au pouvoir, propriétaire d’une luxueuse villa investie par des mouvements citoyens devrait néanmoins assurer sa survie politique. Quant à Hennadiy Troukhanov, il ne daigne même pas faire campagne.Odessa, avec ses ports et ses douanes, est au cœur de nombreux conflits d’intérêt entre familles locales, oligarques du pays et de Russie, et l’exécutif à Kiev. «Odessa, est un condensé des défis du pays», assure Ramina Zaichenko. «Quoiqu’il se passe ce dimanche, cela aura un impact sur toute l’Ukraine».