France Info: Tchernobyl, nouveau parc photovoltaïque?
Intervention dans la Séquence "Un jour dans le monde", sur France Info, le 04/08/2016La zone interdite de Tchernobyl pourrait-elle se transformer en nouveau centre de production d'énergie renouvelable? … C'est le plan ambitieux du ministre de l’environnement ukrainien.... Il a récemment annoncé vouloir développer un immense parc photovoltaïque autour de la centrale dévastée, 30 ans après l'explosion du réacteur numéro 4... Un plan ambitieux, et pas si facile que ça à mettre en œuvre... En Ukraine, pour en parler, Sebastien Gobert... Ca serait la une seconde vie pour la zone de Tchernobyl... Est-ce que c'est faisable? Oui, pour le ministre de l’environnement ce serait même une réalité avant la fin de l’année. Ostap Semerak, le ministre, parle d’installer des panneaux solaires d’une capacité de production de 4 megawatts dans un premier temps… Et 1000 megawatts sur le long terme… Ce qui représenterait un tiers de ce que la centrale de Tchernobyl produisait avant l’explosion fatale en 1986.Le ministre parle aussi d’installer d’autres moyens de production d’énergie renouvelables, comme de l’éolienne ou de la biomasse.Donc un plan très ambitieux, qui attirerait d’ores et déjà des investisseurs américains, et canadiens, et pourrait bénéficier d’un prêt de la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement.Mais… comme tous les projets d’envergure en Ukraine, la prudence doit être de mise. Le développement des énergies renouvelables est très lent en Ukraine. Les plans de développer un parc photovoltaïque dans la zone interdite, ce n’est pas nouveau… il a déjà été évoqué plusieurs fois au cours des 30 dernières années.Evidemment il y a toujours le risque, en Ukraine, que l’argent des investisseurs internationaux soit détourné, par-ci, par-là. Ce n’est pas une fatalité, mais c’est bien un risque à prendre en compte. Et puis aussi, la proposition du gouvernement ne contient pour l’instant aucun détail technique: on ne sait pas comment construire et entretenir des panneaux solaires dans une zone inhabitée, en proie aux radiations nucléaires.Et justement, pourquoi là-bas, dans la zone interdite...? Alors, il y aurait des avantages évidents: le terrain est désert et très peu cher, et la zone est ensoleillée. En plus, les lignes à haute tension qui transportaient jadis l’électricité produite par la centrale nucléaire sont toujours en place. Elles peuvent être utilisées. La même logique prévaut en Biélorussie, de l’autre côté de la frontière. Un parc photovoltaïque est déjà en construction là-bas.En plus, en menant à bien ce projet, cela permettrait aussi à l’Ukraine de continuer à se délivrer de la dépendance aux hydrocarbures russes. Vous savez que dans le contexte actuel de guerre hybride dans le Donbass, chaque opportunité pour Kiev de se démarquer de Moscou est bonne à prendre.Le ministre de l’environnement a d’ailleurs tout de suite précisé dans sa proposition qu’elle servirait d’exemple positif aux populations ukrainiennes vivant dans des territoires temporairement occupés de Crimée et du Donbass. Il s’agit de leur montrer que l’Ukraine se développe, et pourrait leur promettre un meilleur futur.Et puis il y a le rayonnement international, imaginez l’épicentre de la pire catastrophe nucléaire de l’histoire qui devient un lieu de production d’une énergie propre et renouvelable… Le symbole serait très fort.Et d'ailleurs, quelle est la situation dans la zone interdite? Est-ce toujours contaminé...? Oui! Et ça va le rester pendant encore des centaines d’années, selon les estimations les plus optimistes. Prypiat, la ville fantôme des anciens ingénieurs de la centrale, est de plus en plus en ruines. La végétation y reprend ses droits. A la centrale, la firme française Vinci et d’autres partenaires construit toujours le nouveau sarcophage de protection, qui sera achevé d’ici à l’année prochaine.Mais ce qui est intéressant, c’est que l’image de la zone a changé au cours des dernières années. Ce n’est plus aussi dangereux qu’avant. Il y a de plus en plus de touristes qui viennent découvrir les villes et villages fantômes et admirer une véritable forêt vierge qui a poussé sans la présence de l’homme. Il y a toujours quelques irréductibles qui vivent dans la zone, des villageois, principalement des babouchkas, les célèbres grand-mères, qui ne sont jamais parties. Et après toutes ces années, elles sont encore en bonne santé! Donc l’image d’une zone contaminée, où il ne faut aller sous aucun prétexte, ça change, et ça explique aussi le projet de développement d’un parc photovoltaïque. Ce qui marquerait, là, une seconde vie pour la zone.