RFI: Les entreprises ukrainiennes en déclin
Intervention dans la séquence "Bonjour l'Europe", sur RFI, le 15/09/2016L’Ukraine, toujours aux prises avec une guerre hybride depuis 2014 avec la Russie, souffre toujours d’une grave crise économique. Le pays a subi un récession près de 10% en 2015. Un récent classement d’entreprises d’Europe centrale et orientale confirme que les meilleures entreprises ukrainiennes sont en perte de vitesse. De quoi s’agit-il? C’est une étude annuelle de Deloitte, un cabinet américain d’audit et de conseil, qui établit un classement des 500 meilleures entreprises d’Europe centrale et orientale. On y compte 29 entreprises ukrainiennes et 2 banques. En 2015, on en comptait 29, et en 2014, il y en avait 53. Donc une sacrée descente, qui s’explique par les problèmes structurels qui affectent le pays depuis la Révolution de 2014. A savoir, l’état de guerre, l’annexion de la Crimée, la dévaluation de la monnaie nationale, la lenteur des réformes et de la lutte contre la corruption, et j’en passe.Mais ce classement donne aussi une idée de l’appauvrissement tout relatif des oligarques ukrainiens, cette fameuse caste d’hommes d’affaires qui contrôle le pays depuis les années 1990.Oui, on voit par exemple que Rinat Akhmetov, autrefois l’homme le plus riche d’Europe, a perdu beaucoup de sa fortune. Tout à fait. Sa holding Metinvest était à la sixième place du classement en 2015, elle est descendue à la 13ème position. Elle reste donc officiellement la plus importante entreprise d’Ukraine. Mais Rinat Akhmetov était un parrain de l’ancien président autoritaire Viktor Ianoukovitch, et il a beaucoup perdu après sa fuite d’Ukraine. Le coeur de son empire, le Donbass, est toujours en état de guerre. Et tout cela, ça se traduit sur l’équilibre politique à Kiev. Le clan d’Akhmetov a été écartés du pouvoir en 2014, et pour l’instant, il est tenu à bonne distance par d’autres oligarques et le Président Porochenko, lui-même un oligarque.De la même manière, on compte plusieurs entreprises d’agro-alimentaires dans ce classement. Avec la perte du complexe minier et industriel de l’est, l’agriculture est devenu un des moteurs de l’économie ukrainienne, notamment grâce aux exportations. La société Kernel est ainsi la seule qui est parvenue à monter dans le classement 2016, par rapport à 2015.Cette étude est intéressante car elle donne des tendances lourdes. Mais il faut toujours faire preuve de prudence: les chiffres présentés ne sont pas toujours fiables.Pourquoi cela? Et bien à cause de la corruption bien sûr. Le ministère des finances estime que l’économie parallèle, non-déclarée, représenterait environ la moitié du PIB de l’Ukraine. Les comptabilités des entreprises laissent ainsi souvent… dubitatifs. Sans oublier que la lutte contre la corruption n’est pas efficace, que ce soit au niveau local ou dans les hautes sphères de l’Etat. En tout cas, pas efficace pour l’instant. mais rien n’indique que les autorités ont une détermination sérieuse en la matière. Donc, prudence.En fait, pour terminer, la seule statistique qui est tout à fait fiable dans les données fournies par les entreprises, c’est que 28% des dirigeants de sociétés dans ce classement sont des femmes, ce qui est la plus grosse proportion dans tous les pays d’Europe centrale et orientale étudiés. Encore une fois, c’est une tendance de fond de l’environnement des affaires en Ukraine.Ecouter la séquence ici