RFI: Les familles déchirées du Donbass

Reportage diffusé dans l'émission Accents d'Europe, le 21/12/2016La guerre du Donbass, dans l’est de l’Ukraine, s’éternise. Les combats continuent le long de la ligne de front, et ils se sont même intensifiés ces derniers jours. Les forces armées ukrainiennes font état de 5 morts officiellement. D’autres rapports dénombrent bien plus de pertes… Depuis 2014, le conflit, dans lequel la Russie joue un rôle majeur, a déchiré la région et l’Ukraine, mais aussi des familles, et des fratries. Depuis Slaviansk, au nord du Donbass, Sébastien Gobert nous rapporte l’histoire d’une de ces vies brisées. img_6289La voix douce de Zoya Kolosovska, c’est la dernière chose que l’on attend en pénétrant son lieu de travail. Dans les couloirs de l’administration militaire, les hommes en uniformes défilent, pressés, l’arme à l’épaule.A 53 ans, Zoya Kolosovska travaille avec constance. Depuis plus de deux ans que la guerre dure, son poste de fonctionnaire a pris une dimension toute particulière.Zoya: J’aime ce pays, l’Ukraine. J’habite ici, je souffre avec ce pays. Chez Zoya Kolosovska, pas de discours va-t-en-guerre. Elle n’a qu’une seule priorité.Zoya: Tout ce que je veux, c’est que toute cette horreur s’arrête. Tout ce que l’on vit depuis 2014, et qui continue maintenant. Je veux qu’on arrête de tuer nos garçons. Que les mères, les soeurs, les épouses, les frères, arrêtent de pleurer. C’est trop dur à vivre. Il faut que tout s’arrête et que nos gars rentrent à la maison. En septembre, Zoya a enterré son neveu, Mykola - Kolya de son surnom. Il avait grandi avec elle et son mari à Slavyansk, au nord de Donetsk. Elle le considérait comme son fils. Kolya était marié, père de famille. Malgré tout, il s’était porté volontaire pour se battre sur le front, et protéger les siens, comme il le disait.Zoya: Il lui restait un mois de service, avant la fin de son deuxième contrat. Kolya était resté sur le front plus longtemps que prévu. Sa famille était en liaison constante avec lui. Après avoir survécu aux plus terribles heures de la guerre, il leur semblait invincible. Pris dans le feu d’un bombardement de trop, il a succombé à ses blessures.Zoya: Quand ils l’ont amené, je n’ai pas pu y croire. Ca ne peut pas être mon Kolya, j’ai répété, ça ne peut pas être lui. J’ai juste l’impression que c’est un mauvais film. On l’a enterré, il y a la pierre tombale, et tout ce qui va avec. Mais je me dis que ce ne peut pas être notre Kolya. Ca doit être un autre. Lui, il doit être vivant. Mais Kolya est bien mort, tué par des tirs venus de l’autre côté, du côté des séparatistes pro-russes, soutenus par les forces russes. Dans ce conflit, il est souvent difficile de savoir qui tire contre qui.Mais pour Zoya, l’ennemi a au moins un visage, bien familier.Zoya: Kolya, c’était l’aîné de deux neveux. Le plus jeune… le plus jeune se bat du côté séparatiste. C’étaient deux frères. L’un est mort pour l’Ukraine. L’autre chez l’ennemi… on ne comprend pas. Zoya n’a plus de contact avec son autre neveu, qu’elle avait également élevé comme son fils. Elle obtient néanmoins de ses nouvelles de manière détournée.Zoya: On me dit qu’il a pleuré, à l’annonce de la mort de son frère. Mais pleurer, c’est une chose. Il ne s’est pas rendu aux obsèques, et il est toujours de l’autre côté… Voilà… le destin de nos deux jeunes garçons. La famille de Zoya survit, endeuillée, et déchirée. Pendant des mois, le retour annoncé d’au moins un des frères, Kolya permettait d’espérer le retour à une vie un tant soit peu normale. Aujourd’hui, Zoya ne se fait plus d’illusions. Même si les hostilités s’arrêtent; pour elle, la guerre ne se terminera jamais.Ecouter le reportage ici

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