RFI: Des Entrepreneurs choisissent la Moldavie
Reportage diffusé dans l'émission Accents d'Europe, sur RFI, le 05/12/2016La Moldavie, pays le plus pauvre d’Europe, Etat en faillite, sans espoir… Il est facile d’appliquer des clichés sur cette petite république post-soviétique, encastrée entre la Roumanie et l’Ukraine. Le pays est frappé par une émigration de masse Mais les Moldaves qui restent tentent de changer les choses, et multiplient les initiatives citoyennes. Ils sont jeunes, dynamiques, optimistes, et entreprenants. Ce 11 novembre, plusieurs centaines de Moldaves se sont réunis dans le centre de Chisinau, la capitale, pour une conférence qui affiche clairement son objet “Je choisis la Moldavie”Dans un pays de 3,5 millions d’habitants, plus de 1 Moldave sur trois a au moins un pied à l’étranger, que ce soit pour des périodes limitées ou à durée indéterminée. La corruption reste endémique, et le système oligarchique semble indestructible.Il y aurait de quoi perdre tout espoir. Mariana Turcan, principale organisatrice de la conférence, voit les choses différemment.Marian Turcan: Ce genre d’évènements rassemble des gens qui n’ont en général pas voix au chapitre. Dans les médias, la plupart des sujets tournent autour des manigances politiciennes, de quelques meurtres, ou des accidents de la route. Mais il n’y a pratiquement rien sur les nouvelles initiatives dans la société. Et il y en a beaucoup! Nous avons des personnes fantastiques qui travaillent dur dans ce pays. Mais elles n’ont pas de place dans les médias, à la télévision.Ce soir, 11 novembre, ce sont 11 intervenants qui ont 11 minutes chacun pour présenter leurs projets novateurs, du journalisme d’investigation au développement d’un urbanisme accessible aux personnes handicapées, d’initiatives d’échanges culturels à la gestion d’un restaurant sans payer de bakchich.Elena Zgardan fait sensation ce soir, avec sa plateforme de financement participatif, crowdfunding, “Gouvern24”.Elena Zgardan: C’est une plateforme de crowdfunding civique. Nos projets visent à construire notre pays, en commençant par le plus simple: des infrastructures de base, des canalisations d’eau, des installations sanitaires. Notre premier projet a été de rallumer les éclairages publics dans les rues d’un petit village.L’initiative avait rencontré un tel succès, qu’elle avait étendue à 24 autres villages. Une manière simple de changer le quotidien des gens, et de combler les déficiences de l’Etat.Pour la jeune femme, diplômée, polyglotte, c’est un signal clair: il y a un futur en Moldavie.Elena Zgardan: Je suis allé à l’étranger très souvent. Mais j’ai toujours ressenti ce lien avec la Moldavie. Ici, je vois l’impact direct et concret de mes projets. Ca fait toute la différence pour moi. C’est ici et seulement ici que je peux mettre en valeur mes expériences à l’étranger pour m’investir personnellement et voir de réels changements. Ici, beaucoup de personnes voient des problèmes. Moi, je vois énormément d’opportunités.George Teodorescu les voit aussi, ces opportunités. Lui est un entrepreneur roumain, installé à Chisinau. Il part d’un constat assez alarmant.George Teodorescu: Je suis arrivé ici en 2009. Je dirais qu’environ 70% des amis que je m’étais fait cette année là sont partis. La fuite des cerveaux est très importante ici.Il se rappelle l’époque où la Moldavie avait reçu plus de 2 milliards de dollars d’investissements direct étrangers. Ce n’est plus le cas maintenant. Alors comment retenir les jeunes ici, tout en leur promettant des perspectives économiques? George Teodorescu pense avoir trouvé une solution.George Teodorescu: Les salaires dans les technologies de l’information ont vraiment augmenté. Dans le secteur, les rémunérations au niveau mondial, c’est au moins 2-3000 euros par mois. C’est un bon salaire un peu partout dans le monde, mais ici en Moldavie, c’est une fortune. Donc l’idée, c’est de garder les informaticiens ici, avec leurs familles. On essaye de créer une plateforme.George Teodorescu parle de premiers succès dans son entreprise. Malgré tout, on est encore loin d’avoir une Silicon Valley en Moldavie, et l’hémorragie des jeunes talents ne devrait pas être stoppée de si tôt.Elena Zgardan en est tout à fait consciente. Mais dans l’émigration aussi, elle veut voir une chance, plutôt qu’une fatalité.Elena Zgardan: Plus de la moitié de nos dons proviennent de la diaspora. C’est très intéressant, car cela nous permet de garder un lien avec les gens qui sont partis à l’étranger. Nous leur montrons ce qu’il se passe dans leur pays d’origine, et nous leur donnons une chance de participer.“Je choisis la Moldavie” est un concept qui ne nie pas la nature du pays: petit, pauvre, dont la population est historiquement très liée à la Roumanie, à la Russie, et au-delà. Etablir des passerelles entre la diaspora et le pays d’origine a fortement contribué au développement d’autres pays dans des situations similaires.Chiril Paduret se présente comme entrepreneur et ambassadeur de “Je choisis la Moldavie”.Chiril Paduret: Pour moi, il est très important de soutenir des projets de développements en République de Moldavie. Il faut prendre soin de ce pays, et le transformer, pour que les choses aillent de mieux en mieux. Cela étant dit, il faut aussi se soucier de sa carrière personnelle, et il y a beaucoup d’opportunités ailleurs. Je me prépare à partir pour le travail. Mais je n’abandonne pas pour autant mes projets ici. Je crois en la Moldavie. “L’herbe est plus verte chez le voisin”. Les Moldaves savent depuis longtemps que ce proverbe a un vrai fond de vérité, que la vie ailleurs est plus simple, plus confortable. Mais ce n’est que très récemment que certains ont commencé à entretenir leur propre jardin, pour verdir l’herbe moldave.Ecouter le reportage ici