Des remous dans la justice ukrainienne

Le parlement ukrainien a approuvé la démission du Procureur général Andrii Kostin, ce mardi 29 octobre.

Cela fait suite à un scandale majeur de corruption visant à accorder à des milliers de procureurs un statut d’invalidité.

ce qui leur a garanti une pension aux frais de l’Etat et une sauvegarde en cas de mobilisation dans l’armée.

La Présidence n’a toujours pas nominé un remplaçant ou une remplaçante

Et la question se pose: la démission du procureur général est-elle suffisante pour régler ce problème et les nombreux autres défis de la justice ukrainienne?

Bonjour à tous, c’est Sébastien, bienvenue dans cette vidéo où l’on parle mobilisation et corruption mais aussi, plus en profondeur, réforme de la justice et transformation du système.

Pas pour décrier l’Ukraine comme pays entièrement corrompu, ce serait trop réducteur, mais pour donner des clés de lecture derrière ce nouveau changement de taille au sein des cercles dirigeants de l’Ukraine en guerre.

Andrii Kostin était le troisième procureur général du mandat de Volodymyr Zelensky

Il était en poste depuis juillet 2022

En Ukraine, le procureur général est nommé par le Président avec la condition d’une confirmation par le Parlement.

Ce qui ne pose pas vraiment de problème dans le cas où le chef de l’Etat dispose d’une majorité parlementaire confortable.

Le vote qui a confirmé la démission du procureur général Andrii Kostin, il était attendu.

Le procureur général avait annoncé sa démission le 22 octobre

à la suite des révélations d’un scandale majeur de corruption, alors j’explique:

Début octobre, une perquisition a lieu au domicile du centre régional d’expertise médicale et sociale de Khmelnitskiy, dans le centre-ouest de l’Ukraine

Les enquêteurs trouvent l’équivalent de 6 millions de dollars en liquide, en bijoux et en objets de valeur

Les images de tiroirs remplis à ras-bord de billets font le tour de l’internet ukrainien, d’autant que la perquisition est assez animée,

avec la suspecte qui tente de jeter deux sacs remplis d’argent par une fenêtre.

Ce que les enquêteurs découvrent, c’est une bonne pile de documents médicaux falsifiés.

Des dizaines de procureurs de la région avaient obtenu des statuts d’invalidité,

ce qui leur permettait de bénéficier de pensions aux frais de l’Etat, de certains avantages

et aussi pouvait leur offrir une carte joker en cas de recrutement par l’armée

Sachant que ce n’est pas la première raison, les procureurs n’étant pas, pour l’instant, éligibles à la mobilisation.

Sur l’oblast, la région, de Khmelnitskiy, 51 procureurs avaient profité de cette combine

Ce qui a fait dire que sur toute la région, plus un seul procureur de la république n’était valide.

Et ça ne s’est pas arrêté là:

Une enquête préliminaire a révélé que sur 8467 procureurs en Ukraine, 493 disposent d’un statut d’invalidité.

Ce qui a suscité une forte indignation étant donné que pour les blessés et vétérans de guerre, l’obtention du statut d’invalidité est une procédure très lente et très compliquée

Les services de sécurité d’Ukraine, ont arrêté 64 fonctionnaires des centres d’expertise médicale et sociale dans plusieurs régions

Et annulé 4106 certificats d’invalidité pour reconsidération.

En parallèle, des journalistes ont mis en évidence les primes conséquentes que certains procureurs se sont faits verser parfois sans raison valable, parfois allant jusqu’à 80% de leurs salaires.

Volodymyr Zelensky a alors pris l’affaire en main, convoqué un conseil de sécurité et de défense,

annoncé des changements structurels comme la dissolution des centres d’expertise médicale et sociale

et appelé à des signes de responsabilité politique.

Le procureur général Andrii Kostin a démissionné dans la foulée, de même que 5 procureurs de région et un procureur spécialisé.

Là, on voit à la fois une réponse systémique, institutionnelle, et aussi une approche ciblée sur des individus

Sachant que leurs démissions ne valent pas non plus poursuites judiciaires et peines d’emprisonnement, en tout cas pas pour l’instant,

donc ces démissions de procureurs ont suscité une certaine frustration dans la société

Et surtout, cela pose la question sempiternelle de la réforme de la justice en Ukraine

Qui est la mère de toutes les réformes, pour renforcer l’Etat de droit et la lutte contre la corruption.

On a vu ces dernières années que beaucoup a été fait, que l’Ukraine obtient des résultats dans sa lutte contre la corruption

que la haute cour anti-corruption a déjà émis 200 jugements contre des hauts fonctionnaires et des élus, dont beaucoup étant des peines de prison

Mais le bureau du procureur général, il s’est caractérisé par une opacité et une inertie assez constante, et par ce que l’on appelle de l’imitation de réformes.

Ca s’explique en grande partie par l’héritage soviétique qui reste présent dans ce secteur

par le niveau très élevé de corruption entretenu par les groupes oligarchiques

mais aussi par le fait que le poste de Procureur général, bien qu’indépendant sur le papier, est très politique car dépendant directement du Président.

Beaucoup appellent d’ailleurs à changer le mode de désignation du Procureur général.

Donc même si beaucoup a été fait et que le niveau de corruption n’est plus aussi élevé qu’il y a une dizaine d’années, beaucoup reste à faire.

Et cette réforme de la justice, elle doit se faire si l’Ukraine est sérieuse dans son ambition d’adhérer à l’Union européenne

ce qui est un objectif porté par la majorité des Ukrainiens et les réformateurs, la société civile, très actifs

Mais comment, quand et surtout grâce à qui cette réforme sera mise en oeuvre, ce sont les grandes questions

Sachant que visiblement, ce n’est pas la priorité du gouvernement actuel.

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