France Culture: En Ukraine, le mécontentement gronde contre la corruption, toujours endémique

Papier diffusé dans l’émission “La Face cachée du Monde”, sur France Culture, le 10/12/2017

Hier, 9 décembre, c’était la journée internationale anti-corruption. En Ukraine, elle a pris un accent particulier, alors que les autorités sont accusées de vouloir étouffer la lutte anti-corruption. Le 7 décembre, l’agence indépendante anti-corruption a failli être liquidée. Elle n’a été sauvée que grâce à la pression des bailleurs de fonds occidentaux. A Kiev, Sébastien Gobert

C’est comme un chat blessé qui multiplierait les coups de griffes. En moins de deux semaines, les autorités politiques et judiciaires ont protégé la direction controversée d’une agence de prévention de la corruption et ont destitué le chef, intègre, lui, du comité parlementaire anti-corruption. Ils ont aussi ouvert une enquête contre le directeur du NABU, l’agence anti-corruption la plus efficace – et indépendante, et révélé l’identité de plusieurs de ses agents travaillant sous couverture. Les autorités nient toute malveillance, et assurent opérer dans le cadre de la loi. Il n’empêche que ces initiatives ont été perçues comme une revanche du système de corruption endémique, après plusieurs scandales dérangeants. Les Occidentaux ont publiquement menacé l’Ukraine d’un arrêt de l’aide financière et technique dont bénéficie le pays. Selon certains, l’Union européenne aurait même pu suspendre le régime de libéralisation des visas Schengen. Les parlementaires ont donc abandonné, à la dernière minute, leur projet de renier l’indépendance du NABU. Le président Petro Porochenko essaye de faire bonne figure, assure qu’il n’a rien à voir dans ces querelles, et entend relancer un projet de création de haute cour anti-corruption. Petro Porochenko souffre néanmoins d’un manque de crédibilité en Ukraine. Lui et ses proches sont accusés de vouloir étouffer des enquêtes qui les embarrassent avant le début de la campagne présidentielle en 2018. Face à des institutions autistes et verrouillées par le pouvoir, l’opposition politique a repris le chemin de la rue. L’arrestation du tonitruant ancien président géorgien Mikheïl Saakachvili, le 8 décembre, pourrait redonner une certaine vigueur aux manifestations contre le pouvoir. Le mouvement est néanmoins controversé. Des centaines de militants anti-corruption, des acteurs de la société civile, et des militants du mouvement “Automaïdan” ont pris part à un rassemblement devant la maison du Procureur Général, le 9 décembre, pour protester contre ses pratiques autoritaires et illégales. La plupart de ces participants se désolidarisent pourtant des manifestations de soutien à Mikheïl Saakachvili. Soit un morcellement de l’opposition civique et politique, pourtant unie par   les mêmes mots d’ordre. 4 ans après la Révolution de l’Euromaidan, la corruption reste le problème numéro un des Ukrainiens, et elle replonge le pays dans une cacophonie sans nom.

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