La Russie à l’offensive

Les trains ne circuleront plus depuis Pokrovsk.

26000 personnes restent encore dans cette ville du Donbass

Mais la situation est devenue trop dangereuse pour assurer des liaisons régulières.

Les troupes russes se sont rapprochées à grande vitesse de la ville pendant le mois d’août

Elles sont désormais à moins de 10 kilomètres.

Bonjour à tous, c’est Sébastien, bienvenue dans cette vidéo où l’on parle de la situation sécuritaire qui ne cesse de se dégrader dans le Donbass, et de la situation qui ne s’améliore pas à Koursk.

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Donc la compagnie ferroviaire Ukrzaliznitsa a annoncé que la connexion ferroviaire est interrompue avec Pokrovsk.

Les trains les plus proches partiront désormais de Pavlohrad, qui est à une centaine de kilomètres à l’ouest.

Les passagers auront la possibilité de bénéficier d’une navette en bus s’ils le veulent.

C’est un signe de plus que la situation se détériore pour Pokrovsk.

Ville minière et industrielle de la région de Donetsk, c’est un noeud de transport, un carrefour routier et le terminus d’une ligne ferroviaire directe pour Kyiv

Depuis 2022, elle est utilisée comme centre logistique par l’armée mais aussi par les administrations civiles et les organisations humanitaires.

Pokrovsk abritait 60.000 habitants en 2022 avant le lancement de l’invasion.

On estime qu’il reste environ 26.000 personnes,

Des gens qui n’ont pas encore pris la décision de partir parce qu’ils comprennent que c’est peut-être un aller sans retour.

On a vu ce que les Russes ont fait à Bakhmut et à Avdiivka et dans d’autres villes de la région

ils les ont transformé en champs de ruines

alors quitter Pokrovsk, c’est potentiellement pour ne jamais y revenir.

Il y a une partie de ces 26000 personnes qui ne peut pas partir aussi, parce qu’ils ont encore un travail, ou un membre de leur famille âgé en incapacité de se déplacer,

Ou tout simplement qu’ils n’ont pas les moyens d’aller ailleurs

Et évidemment il y a une partie de ces 26000 personnes qui attend l’arrivée des Russes, soit par nostalgie de l’URSS, soit par nationalisme russe, soit par rejet de l’Ukraine,

Soit un peu tout ça.

On trouve de ces personnes dans la plupart des cas, toujours en minorité mais ils existent.

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Pourquoi les Russes ont-ils avancé si vite?

En l’espace de quatre ou cinq semaines, ils ont avancé d’une quinzaine de kilomètres

et depuis début juin, d’une trentaine de kilomètres.

d’abord c’est dû à l’insistance du Kremlin pour pousser son avantage dans l’est de l’Ukraine.

On parle d’un objectif politique de conquérir les régions de Donetsk et Louhansk.

Mais c’est de la rhétorique: il y a peu de chances que Moscou s’estime satisfaite si jamais ces deux régions sont conquises totalement.

Si les Russes avancent là, c’est qu’ils le peuvent, grâce à leur supériorité numérique et en armement qui leur permettent une stratégie de grignotage

Ils utilisent aussi des bombes planantes et il y a des rapports d’armements chimiques qui sont font beaucoup de dégâts

Ils avancent au prix de lourdes pertes, qui sont parfois estimées à plusieurs milliers par semaine,

mais ils avancent

là où les Ukrainiens manquent de munitions et de couverture aérienne

les soldats ne bénéficient pas de rotations et permissions régulières. Ils sont épuisés

le haut commandement adopte une stratégie d’économie et autorise les retraits dans des situations difficiles,

pour économiser ses ressources humaines;

Mais on a aussi des problèmes récurrents: des unités qui abandonnent leurs positions

des problèmes de communication et de coordination

des positions qui sont prises par surprise à cause d’une mauvaise reconnaissance

Et quand les Ukrainiens perdent des positions qu’ils ont passé des mois à fortifier, ils doivent se retrancher vers des positions qui sont moins bien bâties,

voire creuser des tranchées en urgence.

Est-ce que l’avancée russe est due à l’opération ukrainienne à Koursk?

La corrélation n’est pas évidente car la poussée avait commencé avant

et si les troupes présentes à Koursk étaient restées dans le Donbass, il n’est pas sûr qu’elles auraient pu stopper les Russes à cause des problèmes que je viens d’évoquer.

Donc le recul des troupes ukrainiennes pose la question de jusqu’à où?

Sachant que l’Ukraine n’a pas encore perdu Pokrovsk

Mais quand elle perdra la ville, si elle la perd,

Elle perdra le centre logistique et le noeud de transport dont j’ai parlé

mais cela compliquera aussi la défense générale de la région

parce que si on regarde la carte, prendre Pokrovsk établirait un saillant qui fragilisera vraiment le sud

et isolera un peu plus les agglomérations du nord de Toretsk, Konstantynivka, Kramatorsk et Sloviansk.

A l’ouest, cela fragilisera la grande métropole de Dnipro qui contrôle la boucle du fleuve.

Vous vous rappelez, on disait très régulièrement que l’acharnement russe sur Bakhmut était insensé car la ville n’avait pas de valeur stratégique

et c’était vrai.

La perte d’Avdiivka, c’était déjà un coup plus dur, la ville était une véritable forteresse qui tenait depuis 2014

Mais la perte de Pokrovsk, cela sera une défaite stratégique de bien plus grande ampleur.

Cela ne veut pas dire que le front va s’effondrer mais ça sera beaucoup plus compliqué.

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Et ça, ce n’est pas quelque chose qui peut être compensé par la centaine de villages que l’Ukraine occupe dans l’oblast de Koursk

On a vu aujourd’hui Vladimir Poutine qui a assuré que l’opération à Koursk n’a provoqué ni nervosité, ni panique, ni redéploiement de troupes

Ce qui est cohérent avec sa posture politique

Mais dans les faits, il y a apparemment 60.000 soldats russes qui s’amassent pour lancer, à un moment donné, une contre-offensive à un moment donné.

Et ces troupes, elles ne viennent pas du Donbass en majorité, mais plutôt de Crimée, de Kaliningrad et d’autres régions.

Donc il n’y a pas eu d’allégement du dispositif offensif dans le Donbass, en tout cas pas dans des proportions qui auraient pu changer les choses.

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On voit la stratégique que les deux belligérants poursuivent: la Russie dans l’est, l’Ukraine à Koursk.

Mais si la Russie est dans une dynamique positive pour prendre du terrain à l’est,

on ne sait pas si, combien de temps et comment l’Ukraine peut conserver son terrain à Koursk.

Donc vous voyez, il y a une semaine, deux semaines, l’opération à Koursk avait donné un boost au moral des Ukrainiens

Mais là, les mauvaises nouvelles venues de Pokrovsk + les récentes frappes meurtrières sur des villes de Poltava, Lviv, Kryivh Rih, ça va plutôt dans le sens inverse.

C’est l’espèce de flot d’informations en dents de scie, de yoyo émotionnel, qui caractérise ce conflit de longue durée

et qui joue sur les humeurs des UKrainiens

mais pas sur leur détermination à résister.

Merci à vous

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