Ramstein peut-il sauver Pokrovsk?

Hier la compagnie ferroviaire ukrainienne annonçait l’interruption des liaisons avec Pokrovsk, préférant que ses trains ne dépassent pas Pavlhorad, pour des raisons de sécurité.

Aujourd’hui, un bombardement de masse a causé un mort et plus de 50 blessés à Pavlhorad.

La situation dans l’est de l’Ukraine ne s’améliore pas

alors que Volodymyr Zelensky s’est rendu en Allemagne pour un sommet du groupe de Ramstein, un groupe de pays qui soutiennent l’Ukraine militairement.

Bonjour à tous, c’est Sébastien, bienvenue dans cette vidéo où l’on fait le point sur l’aide occidentale à l’Ukraine en ce début septembre.

La vidéo que j’ai posté hier sur Pokrovsk s’est interrompue à moins de la moitié, vraiment désolé pour ça, apparemment c’était dû à un manque d’espace disque sur mon ordinateur.

Mais donc du coup, je vais enregistrer aujourd’hui des infos que je voulais inclure dans la vidéo d’hier.

Alors aujourd’hui c’était le 24ème sommet de Ramstein, sur la base américaine du même nom en Allemagne

C’est un groupe qui réunit plus de 50 pays, dont les 32 pays membres de l’Otan.

Depuis avril 2022, c’est l’instance de coordination principale de l’aide militaire à l’Ukraine.

Volodymyr Zelensky s’y est rendu en personne, preuve de l’importance qu’il a voulu donner à ce 24ème sommet

Le président ukrainien veut obtenir des missiles de longue portée et l’autorisation de les utiliser dans la profondeur russe.

Il veut aussi expliquer à ses partenaires son plan pour la paix, sa stratégie à Koursk et convaincre que la Russie n’a pas de lignes rouges infranchissables.

Il est peu probable qu’il obtienne ces missiles de longue portée aujourd’hui,

On a vu que les Américains avaient seulement commencé à considérer la chose, donc cela va prendre plusieurs mois pour se décanter.

Mais l’Ukraine a reçu des nouvelles promesses d’aide: 250 millions de la part des Etats-Unis,

77 chars Leopard de la part de l’Allemagne, du Danemark et des Pays Bas,

des missiles de la part du Canada,

et encore d’autres promesses.

La France d’Emmanuel Macron, qui vient tout juste de se trouver un Premier ministre mais pas encore de ministre de la défense, n’a pas brillé par ses déclarations.

Donc maintenant il reste à voir si ces promesses seront tenues

Et puis, si les Etats-Unis ont promis un paquet d’aide de 250 millions de dollars,

on apprend aujourd’hui que la Maison blanche doit batailler avec le Congrès pour utiliser un paquet de 6 milliards de dollars

C’est de l’argent alloué à l’exécutif américain.

Mais il n’a pas encore été utilisé. Et fin septembre, c’est la fin de l’exercice budgétaire en cours, donc il reste trois semaines pour utiliser cette somme.

Et si les promesses seront tenues, il reste à voir quand le matériel sera livré.

Les Ukrainiens se plaignent régulièrement des retards de livraison qui les maintiennent en infériorité face aux Russes.

avec les conséquences dramatiques que l’on observe dans l’est de l’Ukraine.

il reste environ 26000 habitants à Pokrovsk, sur les 60000 d’avant l’invasion.

Et les Russes sont désormais à moins de dix kilomètres de la ville.

Les Russes ont réalisé une percée très importante, et très rapide.

et depuis début juin, d’une trentaine de kilomètres d’est en ouest

En l’espace de quatre ou cinq semaines, ils ont avancé d’une quinzaine de kilomètres

d’abord c’est dû à l’insistance du Kremlin pour pousser son avantage dans l’est de l’Ukraine.

On parle d’un objectif politique de conquérir les régions de Donetsk et Louhansk.

Mais c’est de la rhétorique: il y a peu de chances que Moscou s’estime satisfaite si jamais ces deux régions sont conquises totalement.

Si les Russes avancent là, c’est qu’ils le peuvent, grâce à leur supériorité numérique et en armement qui leur permettent une stratégie de grignotage

Ils ont réalisé plusieurs coups très rentables, notamment à Otcheretyne

Et ils ont su exploiter leurs avantages.

Ils utilisent aussi des bombes planantes et il y a des rapports d’armements chimiques qui sont font beaucoup de dégâts

Ils avancent au prix de lourdes pertes, qui sont parfois estimées à plusieurs milliers par semaine,

Ils avancent avec brutalité, ce que l’on voit dans les bombardements des villes de l’est

mais aussi dans la vidéo que CNN a diffusé aujourd’hui, où on voit des soldats ukrainiens qui se rendent et qui sont directement exécutés par les Russes.

mais donc toujours est-il qu’ils avancent, quel que soit la méthode,

là où les Ukrainiens manquent de munitions et de couverture aérienne

les soldats ne bénéficient pas de rotations et permissions régulières. Ils sont épuisés

le haut commandement adopte une stratégie d’économie et autorise les retraits dans des situations difficiles,

pour économiser ses ressources humaines;

Mais on a aussi des problèmes récurrents: des unités qui abandonnent leurs positions

des problèmes de communication et de coordination

des positions qui sont prises par surprise à cause d’une mauvaise reconnaissance

Et quand les Ukrainiens perdent des positions qu’ils ont passé des mois à fortifier, ils doivent se retrancher vers des positions qui sont moins bien bâties,

voire creuser des tranchées en urgence parce que les travaux de fortification n’ont pas été bien menés.

Le haut commandement essaie de projeter l’image d’une armée qui recule en bon ordre et d’une situation sous contrôle

mais ce n’est pas exactement le cas, c’est une armée qui a des problèmes structurels.

Comme l’armée russe, hein

Mais par exemple la frappe meurtrière sur Poltava il y a quelques jours: le haut commandement est très critiqué pour avoir rassemblé tant de personnes au même endroit,

Apparemment les docteurs n’étaient pas prêts…

Les attaques russes sont les premières raisons des pertes ukrainiennes.

Mais l’armée ukrainienne souffre aussi de problèmes structurels.

Alors, est-ce que l’avancée russe est due à l’opération ukrainienne à Koursk?

La corrélation n’est pas évidente car la poussée avait commencé avant

et si les troupes présentes à Koursk étaient restées dans le Donbass, il n’est pas sûr qu’elles auraient pu stopper les Russes à cause des problèmes que je viens d’évoquer.

Pour l’analyste Iouriy Boutousov, dans une guerre il faut se battre pour conserver l’initiative et l’Ukraine a au moins ce mérite là.

Donc le recul des troupes ukrainiennes pose la question de jusqu’à où?

Sachant que l’Ukraine n’a pas encore perdu Pokrovsk

Mais quand elle perdra la ville, si elle la perd,

Elle perdra le centre logistique et le noeud de transport dont j’ai parlé

mais cela compliquera aussi la défense générale de la région

parce que si on regarde la carte, prendre Pokrovsk établirait un saillant qui fragilisera vraiment le sud

et isolera un peu plus les agglomérations du nord de Toretsk, Konstantynivka, Kramatorsk et Sloviansk.

A l’ouest, cela fragilisera la grande métropole de Dnipro qui contrôle la boucle du fleuve.

Vous vous rappelez, on disait très régulièrement que l’acharnement russe sur Bakhmut était insensé car la ville n’avait pas de valeur stratégique

et c’était vrai.

La perte d’Avdiivka, c’était déjà un coup plus dur, la ville était une véritable forteresse qui tenait depuis 2014

Mais la perte de Pokrovsk, cela sera une défaite stratégique de bien plus grande ampleur.

Cela ne veut pas dire que le front va s’effondrer mais ça sera beaucoup plus compliqué.

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Et ça, ce n’est pas quelque chose qui peut être compensé par la centaine de villages que l’Ukraine occupe dans l’oblast de Koursk

On a vu aujourd’hui Vladimir Poutine qui a assuré que l’opération à Koursk n’a provoqué ni nervosité, ni panique, ni redéploiement de troupes

Ce qui est cohérent avec sa posture politique

Mais d’après Volodymyr Zelensky, il y a apparemment 60.000 soldats russes qui s’amassent pour lancer, à un moment donné, une contre-offensive à un moment donné.

Et ces troupes, elles ne viennent pas du Donbass en majorité, mais plutôt de Crimée, de Kaliningrad et d’autres régions.

Donc il n’y a pas eu d’allégement du dispositif offensif dans le Donbass, en tout cas pas dans des proportions qui auraient pu changer les choses.

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On voit la stratégique que les deux belligérants poursuivent: la Russie dans l’est, l’Ukraine à Koursk.

Mais si la Russie est dans une dynamique positive pour prendre du terrain dans plusieurs secteurs à l’est,

L’Ukraine elle n’est à l’initiative que dans un secteur, Koursk, et on ne sait pas si, combien de temps et comment l’Ukraine peut conserver son terrain à Koursk.

Donc vous voyez, il y a une semaine, deux semaines, l’opération à Koursk avait donné un boost au moral des Ukrainiens

Mais là, les mauvaises nouvelles venues de Pokrovsk + les récentes frappes meurtrières sur des villes de Poltava, Lviv, Kryivh Rih, ça va plutôt dans le sens inverse.

C’est l’espèce de flot d’informations en dents de scie, de yoyo émotionnel, qui caractérise ce conflit de longue durée

et qui joue sur les humeurs des UKrainiens

mais pas sur leur détermination à résister.

Merci à vous

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