L’indéboulonnable loukachenko rempile pour un 7e mandat

Aujourd’hui au Bélarus se sont tenues des élections présidentielles

Et j’enregistre cette vidéo sans même attendre les résultats officiels

car on le sait déjà, Alexander Loukachenko a remporté un septième mandat

Mais si l’élection ne comporte aucun élément de surprise, elle nous livre quand même une série d’indicateurs sur la politique de ce pays,

un satellite de la Russie qui s’efforce quand même de maintenir les apparences et peut-être de se dégager des marges de manoeuvre pour renouer des liens avec les pays européens

Bonjour à tous, c’est Sébastien, et bienvenue dans cette vidéo qui est mon 100ème décryptage sur cette chaîne Youtube.

L’occasion de vous remercier encore une fois de votre intérêt, de votre fidélité et de vos commentaires.

Vous êtes déjà plus de 3500 personnes à me suivre, et c’est particulièrement encourageant de voir que mes analyses, et mes plus de dix ans d’expérience en Ukraine et dans la région de la mer noire peuvent être utiles et intéressants

Le Bélarus, ce n’est pas la mer noire à proprement parler mais c’est évidemment lié aux problématiques actuelles dans la région

Alexander Loukashenko, Aliaksandr Loukashenka dans sa version bélarusse, est au pouvoir depuis 1994

Il détient le record de longévité de tous les dirigeants européens

rappelez vous dans les années 2000 on l’appelait le dernier dictateur d’Europe

Maintenant ça paraît bien lointain avec le durcissement de beaucoup de régimes politiques en Hongrie, en Slovaquie, en Russie évidemment

Dans toutes ses années à la tête du Bélarus, Alexander Loukachenko a maintenu une chape de plomb sur le pays, en contrôlant les médias, en emprisonnant ses opposants ou en les forçant à l’exil

et en parallèle en maintenant une stabilité économique remarquable

ça c’est à signaler puisqu’il y a une recette bélarusse d’économie dirigée par l’Etat et quasiment planifiée à la soviétique, entretenue par l’énergie très peu coûteuse que le Bélarus reçoit de Russie

Cette recette, elle est beaucoup embellie par la propagande, tout n’est pas rose, mais globalement ça marche

et ça a évité au Bélarus les désordres et crises des pays post-soviétiques voisins, qu’ils soient baltes, russes ou ukrainiens.

Un carré de stabilité dans une région changeante, et cette stabilité a été incarnée par Alexander Loukachenko

pour le meilleur comme pour le pire, par exemple en 2020 qui représente une vraie rupture dans la présidence Loukachenko.

sa victoire électorale à 81% avait été contestée dans la rue par des manifestations géantes qui avaient été réprimées par la force

des milliers d’opposants avaient été arrêtés ou forcés à l’exil,

le pouvoir avait refermé les rares zones de liberté du pays

les médias ont été encore plus verrouillés qu’auparavant

et la Russie a renforcé sa mainmise sur le pays

dans le contexte de l’invasion généralisée de l’Ukraine, le Bélarus a joué un rôle pivot

en autorisant l’utilisation de son territoire par les troupes russes, pour qu’elles envahissent l’Ukraine notamment par Tchernobyl

et ensuite pour tirer des drones et des missiles et participer aux bombardements quasi-quotidiens de l’Ukraine.

Donc évidemment le poids de la Russie et des siloviki s’est renforcé au Bélarus tout autant qu’en Russie.

Ce qui fait que dans un contexte aussi verrouillé, Alexander Loukachenko était assuré de remporter un septième mandat

et ce soir, les sondages de sortie des urnes

je mets des guillemets,

le créditent de 87%, donc encore plus qu’en 2020.

ça confirme encore cette pratique assez bizarre des dictateurs de vouloir se faire confirmer par des simulacres électoraux

tout le monde sait que ce n’est pas réel, mais chacun joue le jeu

On se rappelle qu’en 2021, Bachar el Assad a remporté 95% des voix à sa présidentielle, juste trois ans avant que son armée ne s’effondre et ses villes tombent

Bref, je ferme cette parenthèse

Il avait 4 opposants, trois qui représentaient clairement le régime et une opposante qui est critiquée pour être en fait à la solde du régime

Pendant la campagne le pouvoir avait manié la carotte et le bâton en relâchant une série de prisonniers politiques emprisonnés depuis 2020 tout en arrêtant une nouvelle série de potentiels contestataires.

l’opposition en exil, elle a manifesté dans divers pays, notamment en Pologne.

la leader depuis 2020, Svetlana Tsikhanovskaya, elle a estimé aujourd’hui que seuls deux facteurs pouvaient amener à un changement de régime: soit la victoire de l’Ukraine, soit l’âge d’Alexander Loukachenko

Il a 70 ans, donc il n’est plus tout jeune mais vous me direz, il est deux ans plus jeune que Vladimir Poutine et 8 ans plus jeune que Donald Trump.

Mais pour l’instant, il est en poste, et son apparition d’aujourd’hui lui a permis de nous livrer au moins une déclaration intéressante:

d’abord, il a confirmé que le Bélarus va accueillir dans les prochains jours des missiles balistiques russes de portée intermédiaire Orechnyk sur son territoire

ce qui confirme l’intégration du Bélarus dans l’appareil militaire de la Russie

selon la Constitution modifiée en 2022, le pays peut d’ailleurs accueillir des armes nucléaires russes, mais on n’a pas encore la confirmation qu’elles s’y trouvent.

Parmi d’autres déclarations, Alexander Loukachenko a aussi estimé que ni son pays ni la Russie ne veulent attaquer la Pologne mais par contre la Pologne veut attaquer le Bélarus

bon on le sait depuis 1994, les déclarations d’Alexander Loukachenko n’engagent que ceux qui veulent y croire.

Cette élection, qui n’en était pas vraiment une on l’aura compris

elle sert évidemment à jalonner la longue présidence d’Alexander Loukachenko, c’est un moment politique et médiatique fort pour la vie du régime,

elle sert à consolider son pouvoir d’après cette pratique du respect en apparence des règles

mais elle peut aussi servir à rééquilibrer la place du Bélarus entre Russie et Europe.

Parce que, je l’ai dit, Alexander Loukachenko est complice de Vladimir Poutine dans cette invasion de l’Ukraine

et là-dedans, il tente d’exister. dans ses discours politiques, il se met toujours en avant comme décideur politique: “avec Poutine on a décidé”, “j’ai informé Poutine que”, etc.

Mais sa posture ne tient que sur l’épaisseur d’un trait de crayon

dès 2022, on a vu que le Bélarus ne servirait pas de médiateur entre Moscou et Kyiv

après des premiers pourparlers au sud du pays, en février 2022, les négociations se sont déplacées à Istanbul et ailleurs

En 2023, Alexander Loukachenko avait prétendu être celui qui avait arrêté Yevgueni Prigozhyne sur son chemin de Moscou

il lui avait offert l’asile ainsi qu’à de nombreux miliciens de Wagner

Mais quelques mois plus tard, Yevgueni Prigozhyne disparaissait dans la triste explosion d’un avion

et Wagner était démantelé

donc les garanties de sécurité de Loukachenko n’avaient servi à rien

depuis, le Bélarus est minoré par la Russie, Vladimir Poutine a compris les limites économiques, techniques, militaires et logistiques de son allié

et les meilleurs amis de la Russie, ce sont l’Iran et la Corée du nord.

donc Alexander Loukachenko se trouve dans une situation où son pays est plus qu’absorbé que jamais mais sa voix compte moins que jamais, d’une certaine manière

il pourrait être tenté de renouer avec sa politique de balancier entre est et ouest

afin d’obtenir une aide occidentale

et l’élection pourrait créer ce moment politique où il lance quelques perches.

Et dans le contexte du début de mandat musclé et brutal de Donald Trump, il peut y avoir une oreille qui se tend à Washington ou, par extension ou de manière indirecte à Budapest ou Bratislava,

et qui vienne sortir le Bélarus de son tête-à-tête avec la Russie

Donc voilà, une élection qui est clairement un simulacre

mais qui marque un temps politique qu’il faut observer et inclure dans la lecture des tendances régionales.

Merci

Previous
Previous

Nouvelle conquête russe

Next
Next

Vers des sanctions à la Trump?