Vers des sanctions à la Trump?
Des taxes, des droits de douane et des sanctions.
Parmi le florilège de déclarations, souvent à l’emporte-pièce et contradictoires de Donald Trump sur l’arrêt ou l’interruption la guerre russe en Ukraine
Sa menace d’imposer de nouvelles sanctions à l’encontre de la Russie si Vladimir Poutine ne veut pas faire de deal
est sans doute la vision la plus détaillée qu’il a développé.
Mais ça voudrait dire quoi, plus de sanctions contre la Russie?
Et avec quel effet?
Bonjour à tous c’est Sébastien, bienvenue dans cette nouvelle vidéo où j’explore cette question des sanctions
Avec d’ores et déjà ce constat: oui les sanctions font mal à l’économie russe, mais non, elles ne vont pas mettre le Kremlin à genoux et le forcer à arrêter les combats.
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Donc nous sommes le 24 janvier et depuis 4 jours t évidemment depuis déjà avant, les observateurs sont accrochés à la moindre déclaration de Donald Trump
pour comprendre les contours de sa politique concernant la guerre russe en Ukraine.
Il a fixé à son envoyé spécial Keith Kellogg un délai de 100 jours pour faire arrêter la guerre
ce qui est très dangereux, ce genre de délai
Il ne reste que 96 jours…
Donald Trump a dit que Vladimir Poutine était en train de détruire la Russie, qu’il ne devait pas être très satisfait avec cette guerre
dans un autre temps il a assuré que Volodymyr Zelensky n’était pas un ange
et qu’il portait sa part de responsabilité dans ce conflit parce qu’il a voulu continuer à se battre plutôt que de capituler en 2022
Donc beaucoup de messages et signaux contradictoires
En tous les cas la résolution de cette question est une priorité de la politique étrangère américaine:
Son secrétaire d’Etat Marco Rubio a assuré qu’il voulait obtenir une paix durable
pour que la guerre ne recommence pas dans 2 ou 4 ans
ça, je m’arrête un instant, c’est très révélateur
Marco Rubio n’a pas dit qu’il ne voulait pas que la guerre ne reprenne plus jamais
Il a dit qu’elle ne doit pas recommencer dans 2 ou 4 ans
Et dans deux ans, c’est quoi, les midterms
et dans 4 ans, c’est la fin du mandat de Donald Trump, quand on dressera son bilan et qu’on lui choisira un successeur
par contre, ce qui se passe dans 5 ans, dans 6 ans, Marco Rubio a l’air moins préoccupé
il y a un côté un peu “après moi le déluge” dans cette approche, et ça montre que l’administration Trump peut être tentée de pousser pour des solutions de court terme ou des mauvaises solutions
pour obtenir un cessez-le-feu qui ne serait qu’une pause.
Et pour ce faire, un des outils qui est à la disposition de l’administration, ce sont les taxes, droits de douane et sanctions dont a parlé Donald Trump.
Les sanctions, il y en a déjà beaucoup, imposées contre des dizaines de milliers d’individus et d’entreprises russes depuis déjà 2014, et évidemment beaucoup plus depuis 2022
ces sanctions ont aussi été renforcées par des sanctions secondaires, donc pour viser des entreprises kirgizes, kazakhes, thailandaises, turques, chinoises et autres qui aident les Russes à contourner les sanctions
Ces sanctions elles touchent l’essentiel des secteurs de l’économie et de la finance russe
Début janvier l’administration Biden sortante et le Royaume-Uni ont sanctionné 183 vaisseaux tankers qui constituaient la flotte fantôme de la Russie, pour lui permettre de continuer à exporter du pétrole et du gaz malgré les sanctions
ces tankers sont depuis deux semaines immobilisés au large ou dans des ports,
incapables de livrer leurs cargaisons
et on estime que la Russie pourrait perdre 20% de ses exportations de pétrole à cause de cela
La question est: pour combien de temps avant qu’elle ne trouve une voie alternative, je vais y revenir.
A l’instar de ce secteur des hydrocarbures qui souffre beaucoup de la baisse de demande européenne et des sanctions
toute l’économie russe éprouve des problèmes
Elle s’en sort, et enregistre même des taux de croissance positifs depuis 2022
Mais les indicateurs sont de plus en plus dans le rouge
Les réserves de change, très importantes avant 2022,
ont fondu de 57% depuis le début de l’invasion
résultat la banque nationale n’a plus les moyens de défendre la devise nationale, le rouble,
qui se déprécie. Il était à 34 roubles pour un dollar en 2013, on en est à 103 roubles pour un dollar aujourd’hui.
Pour maintenir une forme de stabilité financière, les taux d’intérêt ont augmenté à 21%, ce qui est un record
et qui évidemment restreint l’accès au financement pour les entreprises et investisseurs
et ça grippe l’économie
sans compter qu’il y a une forte pénurie de main d’oeuvre
à cause des masses d’hommes mobilisés et de ceux qui ont fui le pays.
L’inflation est officiellement de 9% mais beaucoup estiment qu’elle a dépassé les 20%
ce qui fait que des produits de première nécessité comme le beurre ou les oeufs deviennent très chers
et ça, même les médias d’Etat commencent à en parler
Pour 2025, on voit venir le risque de stagflation, c’est à dire la combinaison d’une croissance faible avec une forte inflation
et ça c’est désastreux pour n’importe quelle économie.
La Russie a de sérieux problèmes pour s’approvisionner à l’étranger à cause des sanctions
qui lui interdisent l’importation de produits à haute valeur technologique et des composants électroniques.
on sait que la Russie a établi des réseaux parmi des pays amis ou neutres pour se faire livrer par des voies détournées,
donc je mentionnais le Kirgizstan, le Kazakhstan, la Turquie, la Thailande, la Chine,
mais il y en a beaucoup d’autres
on voit régulièrement des sociétés et banques de ces pays qui interrompent leurs activités à causes des sanctions secondaires occidentales
mais si une banque chinoise arrête de recevoir des paiements de clients russes, très vite une autre prend le relais
c’est un peu un jeu sans fin
en tous les cas ça nuit à l’économie russe, même malgré le contournement des sanctions
par exemple, 108 avions de ligne devaient être construits depuis 2022. Seulement 7 ont été construits à ce jour
on peut multiplier les exemples, mais la conclusion est toujours la même: les sanctions font mal.
Vladimir Poutine n’arrête de répéter que cela a au contraire renforcé l’économie russe
et d’opérer un revirement vers la Chine et d’autres partenaires du sud global
mais dès qu’il en a l’occasion, il propose ou demande la levée des sanctions en contrepartie de concessions, et ça depuis 2014
donc ça prouve que lui aussi sait que les sanctions font mal.
Cela étant dit, Donald Trump tire la mauvaise conclusion de ce constat, je pense
selon lui, si l’économie va mal, et qu’il la fait aller encore plus mal avec de nouvelles sanctions, alors le Kremlin arrêtera les combats
Moi je suis persuadé que ce n’est pas ça qui amènera le Kremlin à la table des négociations
Effectivement, quand Vladimir Poutine dit que les sanctions ont renforcé le pays, il ne pense pas qu’à l’économie
il pense au renforcement de son pouvoir politique et au fait que les citoyens russes sont moins influencés par l’Occident
Dans la grande tradition impériale russe, la fin justifie toujours les moyens
et le Kremlin, en l’occurrence ce Kremlin, mettra toujours ses objectifs stratégiques et la grandeur de l’Etat en avant du bien être de ses citoyens et du pays en général
surtout que les acteurs économiques soit se sont habitués soit n’ont pas vraiment voix au chapitre
à part cette petite exception que la banque centrale n’a pas augmenté les taux d’intérêt fin décembre comme attendu de 21 à 23%
et qui pourrait montrer que Vladimir Poutine a enfin écouté quelques uns de ses oligarques
qui sont asphyxiés par ces taux d’intérêt
mais si c’est intéressant de le noter, ça ne veut rien dire sur les équilibres du pouvoir et le cours de la politique en général.
Donc si Donald Trump croit qu’il peut tout simplement utiliser l’arme des sanctions pour mettre à genoux le Kremlin, il se trompe
surtout que s’il veut jouer sur les taxes et les droits de douane, le commerce entre les Etats-Unis et la Russie est ridiculement petit, à 3,4 milliards de dollars en 2024
à titre de comparaison, il est de 1,5 trillions de dollars avec l’Union européenne.
Non, ça sera plutôt une combinaison de facteurs qui amèneront Vladimir Poutine à une table de négociations, je pense
plus de sanctions, pourquoi pas
l’effet du drill baby drill, donc le plan d’augmentation de la production pétrolière américaine
qui pourrait faire baisser les cours mondiaux
Donald Trump a aussi dit qu’il allait demander à l’OPEP de baisser ses prix
et que ça allait provoquer une fin immédiate de la guerre
ça ne sera pas immédiat mais ça peut jouer
aussi, ce qui peut amener Vladimir Poutine à une table de négociation c’est pas que le bâton mais aussi la carotte
le retour à une normalisation des relations et à un dialogue direct avec Donald Trump
la levée de certaines sanctions, donc on renforcerait les sanctions pour amener Vladimir Poutine à des négociations et ensuite on lèverait ces sanctions
mais aussi et surtout la promesse d’une pause dans le conflit qui lui permette de reconstituer ses forces sans perdre aucun des avantages qu’il a en ce moment
donc qu’il garde les territoires occupés,
que les troupes européennes de l’Otan ne puissent pas être déployées comme forces de maintien de la paix
et qu’il puisse reconstituer ses forces avant une prochaine attaque,
donc pas dans deux ans ou quatre ans mais potentiellement dans 5 ans, une fois que Donald Trump aura quitté la maison blanche.
Merci