Mali-Niger-Ukraine: la rupture
Le Mali et le Niger rompent leurs relations diplomatiques avec l’Ukraine. Un geste fort et assez radical après la mort de dizaines de soldats maliens et de mercenaires russes dans le nord du Mali. Et la rupture de ces liens diplomatiques intervient alors que le ministre des affaires étrangères ukrainien est en tournée sur le continent.
Alors quelles perspectives pour la politique de Kyiv de séduire ce que l’on appelle le sud global?
Bonjour à tous, c’est Sébastien, bienvenue dans cette vidéo. On va parler d’Ukraine, d’Afrique, de céréales et de Wagner…
Alors hier, le 6 août, le gouvernement de la junte au pouvoir au Niger a annoncé la rupture des liens diplomatiques avec Kyiv.
Cela fait suite à la décision du Mali de rompre ses liens diplomatiques, ce que Bamako a annoncé le 4 août.
En arrière-plan, on a l’attaque meurtrière, fin juillet, de rebelles touaregs contre des soldats maliens et des mercenaires russes de la milice Wagner. Une partie de la milice a été renommée Afrika Korps après l’insurrection de Prigogyne en juin 2023.
On note juste comme ça au passage qu’Afrika Korps, c’est le nom que le Troisième Reich avait donné à son corps expéditionnaire en Afrique pendant la seconde guerre mondiale.
Bon.
Bamako n’a pas fourni de preuves de l’implication de Kyiv.
Mais les touaregs ont affiché leurs sympathies pour l’Ukraine, tandis que le porte parole du renseingement militaire ukrainien a admis avoir transmis des informations et plus que des informations.
Le quotidien français Le Monde a aussi indiqué que les touaregs ont reçu du soutien des Ukrainiens.
De toutes les manières, la présence de militaires et d’instructeurs ukrainiens dans le Sahel, c’est un secret de polichinelle. Pareil au Soudan.
Comme c’est le cas pour des militaires et des instructeurs russes et occidentaux. Les conflits africains suscitent des implications hybrides et plus ou moins directes des puissances étrangères.
Pour les Ukrianiens et les Russes en l’occurrence, c’est l’occasion de s’affronter sur un autre champ de bataille, tout en poussant les intérêts de leurs Etats respectifs en Afrique.
Dans ce contexte, le retrait français du Sahel en 2023 n’a pas été la fin mais seulement une recomposition de cette présence étrangère
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Le Mali et le Niger justifient la rupture des liens diplomatiques par la contribution de l’Ukraine à des attaques menées par des groupes terroristes.
Ce à quoi l’Ukraine répond qu’il n’y a pas de preuve, encore une fois, et que les miliciens russes sont eux mêmes des terroristes, reconnus comme tels par de nombreux gouvernements dans le monde, et accusés de multiples crimes de guerre en Afrique, en Syrie et, bien sûr, en Ukraine.
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En tous les cas, la rupture des liens diplomatiques est une mauvaise nouvelle pour Kyiv qui déploie des efforts considérables pour gagner les pays africains et ce que l’on appelle le sud global à sa cause.
L’annonce des ruptures des relations diplomatiques est intervenue alors que le ministre des afaires étrangères Dmytro Kuleba entamait une tournée sur le continent. Il a commencé au Malawi, a poursuivi en Zambie et va terminer aujourd’hui et demain sur l’île Maurice.
La mission, c’est de s’assurer du soutien de ces pays à la cause ukrainienne et au plan de paix qui est proposé par Kyiv. Je vais y revenir.
Pour ce faire, à part des arguments politiques, l’Ukraine arrive avec des offres de livraisons de céréales, qui sont possibles depuis que le couloir céréalier de la mer noire a été rouvert. La flotte russe ne contrôle plus la mer noire et les Ukrainiens, avec leurs partenaires, peuvent faire circuler des cargos depuis leurs ports.
Le ministre Kuleba arrive donc en présentant l’initiative “du grain d’Ukraine” qui est en place depuis l’année dernière: il y a déjà plus de 200.000 tonnes de céréales qui ont été expédiées à des conditions avantageuses à 10 pays d’Afrique et d’Asie ces derniers mois.
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L’Ukraine est désavantagée cela dit dans son offensive de charme par rapport à la russie
Moscou s’est arrogée l’héritage soviétique de relations avec les pays de ce que l’on appelait avant le tiers monde.
Elle articule une coopération économique, scientifique, commerciale et éviemment militaire avec un discours sur l’anti-colonialisme occidental.
Les Ukrainiens qui tentent d’expliquer la guerre actuelle comme un conflit contre l’impérialisme russe et pour la décolonisation de l’Ukraine sont assez inaudibles.
Il faut aussi préciser que la faute de la faiblesse de cette offensive de charme revient aussi à l’Ukraine. elle a entrepris très tard de lancer des relations diplomatiques avec les pays africains et asiatiques.
Avant 2022, Kyiv n’avait que 10 ambassades sur le continent africain. Depuis, elle en a ouvert 7 et elle compte en ouvrir 3 de plus. Ca nous amène à 20.
On comprend les contraintes budgétaires ukrainiennes mais il y a quand même 54 pays reconnus par l’ONU sur le continent…
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C’est une faiblesse structurelle qui se ressent dans les votes de l’assemblée générale à l’ONU, dans les déclarations et actions des différentes organisations internationales, et aussi dans le semi-échec du récent sommet pour la paix qui s’est tenu en Suisse en juin.
92 pays y ont participé. Mais le communiqué finale n’a été signée que par 87 pays.
L’Ukraine peine vraiment à élargir le groupe de ses soutiens, et notamment du coeur de la quarantaine de pays occidentaux qui la soutiennent mordicus.
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Aujourd’hui, c’est clair, ni le Mali ni le Niger ne signeront le communiqué final de la conférence pour la paix.
C’était déjà assez évident au vu de la présence russe sur place.
On peut s’attendre à ce que le Burkina Faso, qui a eu aussi son lot de coups d’Etat et d’ingérence russe ces derniers temps, rompe les relations diplomatiques avec l’Ukraine.
Ce faisant, cela affaiblit la position diplomatique de l’Ukraine mais cela cristallise encore un peu plus les positions. Depuis 2022, ça prend du temps mais on voit se dessiner deux blocs qui s’affrontent.
Avec l’Ukraine, ce bloc d’une quarantaine de pays occidentaux auxquels on rajoute une quarantaine, cinquantaine de pays qui dénoncent l’agression russe et apportent leur aide politique et économique à l’Ukraine.
De l’autre, la Russie, le Bélarus, en coopération avec l’Iran et la Corée du nord, soutenus de manière plus ou moins explicite par la Chine et qui s’attirent à eux des pays qui cherchent à remettre en cause les règles du jeu international: le Vénézuéla, l’Afrique du sud, le Brésil, et donc évidemment le Mali et le Niger depuis les derniers coups d’Etat.
Ce sont des pays qui sont plus ou moins autoritaires, on ne peut pas qualifier le Brésil de dictature, donc l’affrontement démocratie / autoritarisme est un peu simpliste à mon sens, mais ça c’est déjà un débat pour une prochaine vidéo.
Ce qu’on voit, c’est que les pays doivent faire leurs choix, peu à peu. Le non-alignement devient un luxe.
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et ce que l’on voit aussi, et je termine là-dessus, c’est que l’Ukraine, qui est complètement mobilisée pour lutter contre une lutte existentielle sur son sol, elle développe quand même une capacité de projection à l’étranger, au Sahel, au Soudan, apparemment en Syrie…
Cela est à mettre en relation avec l’incursion à grande échelle qui est en train de se dérouler dans l’oblast de Koursk, en Russie.
L’Ukraine, contrainte et forcée par l’agression russe, est devenue un acteur militaire majeur de ce début du 21ème siècle.
