Ouest France: À l’est de l’Ukraine en guerre, la double peine du coronavirus
Article publié dans Ouest France, le 06/04/2020
La drôle de guerre s’enlise dans l’est de l’Ukraine. Mais la pandémie complique la situation des populations qui vivent en partie confinées, alors que les militaires ne respectent pas les mesures de précaution.
Les habitants de l’est de l’Ukraine, zone en guerre, manquent de moyens pour lutter contre l’épidémie de coronavirus. Les habitants sont confinés mais beaucoup, à commencer par les militaires, ne respectent pas les mesures de précaution.
La situation militaire s’est aggravée ces derniers temps, ils tirent chaque soir. Dans ce contexte de confinement, c’est encore plus effrayant qu’avant… Karina Varfolomeieva est en dernière année de lycée à Novhorodske, à moins de 5 kilomètres de la ligne de front qui divise l’est de l’Ukraine depuis 2014. Le conflit a déjà causé la mort de plus de 13 100 personnes selon l’ONU. Il a aussi ruiné cette région industrielle, plaçant les infrastructures médicales dans un état critique pour faire face à la pandémie du Covid-19.
40 % de la population a plus de 60 ans
Un des meilleurs hôpitaux de la région, à Roubijné, ne pouvait accueillir que 200 malades du coronavirus à la mi-mars, selon Konstantin Reutski, directeur de l’ONG Vostok-SOS. Masques, tests et médicaments manquent. L’aide que Kiev et des organisations humanitaires acheminent régulièrement reste très insuffisante pour remédier aux besoins d’un bassin de population de 2 millions d’habitants, dont environ 40 % se trouvent dans les catégories à risque de plus de 60 ans, et extrêmement précarisés par les mesures de confinement.
Les deux régions en guerre de Donetsk et Louhansk sont ainsi bouclées depuis la fin mars, que ce soit vers le reste de l’Ukraine ou vers les territoires séparatistes soutenus par la Russie. La ligne de front était auparavant traversée par quelque 30 000 personnes par jour. Toute l’économie frontalière est à l’arrêt, et des dizaines de milliers de retraités ne peuvent plus se déplacer pour toucher leurs pensions en territoire ukrainien. Sans oublier les situations urgentes de dizaines de personnes bloquées aux points de passage en attente d’une autorisation de rentrer chez eux, rapportées par l’ONG Human Rights Watch.
« Les soldats se déplacent sans masques »
Quant aux actifs désormais au chômage, leur argent s’épuise très rapidement », commente Oleksiy Savkievitch, un enseignant de la ville d’Avdiivka. Les magasins d’alimentation manquent déjà de certains produits, et augmentent leurs prix. Lui prend part volontairement à un effort de livraison de produits de première nécessité, et confirme l’état de dénuement dramatique de certaines familles.
De son côté, Karina Varfolomeieva confirme l’appauvrissement rapide de ses concitoyens, et observe un sentiment de déni de personnes éprouvées par six ans de guerre. Beaucoup refusent de comprendre le danger posé par ce virus et ne respectent pas les mesures de quarantaine. Le plus problématique selon la jeune fille, ce sont les soldats qui se déplacent sans masques en ville ».
Mobilisés sur le front ou encasernés, ils ne sont pas visés par les obligations de confinement. Si l’Ukraine rapporte 1 251 cas de coronavirus et 32 décès au 5 avril, l’armée ne publie aucune statistique. Malgré l’absence de moyens, la situation semble néanmoins prise plus sérieusement au sérieux que côté séparatiste. Les autorités auto-proclamées y nient tout foyer de contamination.