RFI: A Kiev, le Parlement de tous les possibles
Intervention dans la séquence Bonjour l’Europe, sur RFI, le 29/08/2019
L’ancien comédien élu président, Volodymyr Zelenskyy, vient de passer le cap des 100 premiers jours à la tête de l’Ukraine. Il n’a cependant pas accompli grand chose car l’Ukraine est une république parlementaire et il n’avait aucun parti à l’assemblée. Mais tout change à partir d’aujourd’hui, avec l’investiture d’un parlement élu en juillet. Il y a une majorité absolue. A Kiev, Sébastien Gobert
Photo: Niels Ackermann / Lundi 13
Sébastien, Volodymyr Zelenskyy a-t-il les pleins pouvoirs à partir d’aujourd’hui?
Quasiment. Il a une majorité absolue de 254 députés sur 450, il est très proche d’une majorité constitutionnelle. Donc son parti peut former un gouvernement tout seul, et très rapidement. Le nouveau cabinet pourrait commencer à travailler dès lundi 2 septembre. La rentrée politique coïncide parfaitement avec la rentrée des classes.
La majorité devrait aussi nommer un nouveau procureur général, et à partir de là remplacer les chefs des institutions de lutte contre la corruption et des organes de sécurité. Donc on s’approche des pleins pouvoirs, même si le parti de Volodymyr Zelenskyy est animé de différents courants, et l’équipe dirigeante soumise à l’influence de groupes oligarchiques et des partenaires internationaux, comme le FMI. C’est peut-être là les seuls véritables contre-pouvoirs à Volodymyr Zelenskyy qui sinon, contrôle tout.
Est-ce qu’il y a déjà eu des situations similaires dans l’histoire de l’Ukraine? Rappelons que le pays vient de fêter ses 28 ans d’indépendance…
Non, c’est bel et bien la première fois qu’une formation politique bénéficie d’un tel soutien populaire, et c’est unique. Laissez moi préciser que le parlement est unique pour d’autres raisons: 87 femmes ont gagné des sièges de députées, ce qui est peu, mais quand même un record dans l’histoire ukrainienne. On compte aussi dans les rangs de la majorité le premier député d’origine africaine: Jean Beleniouk, un champion olympique de lutte gréco-romaine, né d’un père rwandais.
C’est donc un parlement unique, et qui suscite des attentes, et des espoirs, tout à fait inédits. Les élections ont montré que les Ukrainiens attendent des changements radicaux, et ils veulent croire dans la “nouvelle ère” que leur promet le président.
Quelles sont les premières décisions que l’on peut attendre du parlement?
En dehors de la formation du gouvernement, une des premières mesures devrait être la levée de l’immunité parlementaire. C’est très symbolique, et pour filer la métaphore de la rentrée, cela doit marquer la fin de la récréation pour toute une série de personnalités corrompues qui abusent des ressources de l’Etat depuis 28 ans. Beaucoup d’Ukrainiens réclament une justice intraitable, et des peines de prison exemplaires. On verra si cela va se concrétiser.
D’une manière générale, on attend des réformes structurelles qui viseront à transformer le pays. Agriculture, santé, éducation, finances, nouvelles technologies, réseau routier… Il faut aussi définir une politique vis-à-vis de l’intervention russe dans l’est et en Crimée. Les nouveaux députés ont beaucoup de projets, et avec cette majorité ils peuvent en théorie tout faire, à supposer qu’ils évitent les pièges du populisme ou des conflits d’intérêt. On s’attend donc à une rentrée très très mouvementée.