RFI: Les antivax toujours puissants en Ukraine
Papier diffusé dans l’émission Accents d’Europe, sur RFI, le 28/01/2020
Depuis 2017, 115000 personnes ont souffert de la rougeole en Ukraine, plus de 40 en sont morts, parmi le pire bilan au monde. La république post-soviétique est un foyer d’épidémies en tous genre: en 2015, la polio a fait sa réapparition, après avoir été éradiquée du continent européen en 2002. 5 personnes sont mortes de la grippe depuis le début 2020. Une raison fondamentale à ces épidémies: un taux de vaccination historiquement bas contre les maladies infantiles. Il était aux alentours de 50% en 2016. Les anti-vaccins sont ici très actifs. En Ukraine, Sébastien Gobert
“Vacciner votre enfant peut le rendre autiste”. “Les vaccins affaiblissent le système immunitaire”. “N’utilisez pas de vaccins, fabriqués à base de placentas de femmes indiennes”… Sur l’internet ukrainien, les anti-vaccins sont très visibles. Il n’est pas rare qu’ils se montrent même offensifs vis-à-vis de parents qui annoncent la vaccination de leurs enfants. Dans la rue aussi, les manifestations sont régulières, sous les bannières: “la vaccination est un libre choix!”, généralement animées par des groupes qui promeuvent des valeurs familiales traditionnelles, épaulés par des popes orthodoxes.
Les différentes Eglises d’Ukraine soutiennent pourtant officiellement les campagnes de vaccination lancées par le gouvernement et les organisations internationales comme l’OMS ou l’UNICEF. Mais la méfiance d’une grande partie de la population trouve ses causes profondes dans les dysfonctionnements du système de santé publique post-soviétique. Les achats, les distributions dans les régions, et la chaîne du froid de préservation des vaccins ont connu de sérieuses complications depuis 1991. En 2008, un adolescent est mort après avoir été inoculé contre la rougeole et la rubéole. Le scandale a provoqué une chute d’autant plus nette du taux de vaccination.
La corruption dans les achats publics, la méfiance vis-à-vis des autorités et des entreprises pharmaceutiques n’a pas aidé à inverser la tendance ces dernières années. Beaucoup de docteurs et personnels soignants ont perdu leur sensibilité aux vaccins, par manque de moyens mais surtout par manque d’information. On trouve ainsi de nombreux médecins dans des zones rurales qui déconseillent eux-mêmes le recours aux vaccins.
Face à la prolifération d’épidémies ces dernières années, grâce à une politique volontariste du gouvernement et à une amélioration de l’approvisionnement en produits médicaux, le taux de vaccination remonte progressivement. Les anti-vaccins restent néanmoins actifs, et influents. Le ministère de la santé avait interdit en été tout enfant non-vacciné à venir à l’école en hiver. La ministre de l’éducation vient d’assouplir cette règle, en laissant le choix aux directeurs d’école d’accepter ou non les enfants non-vaccinés. Preuve que le système public doit effectivement compter avec les anti-vaccins, et probablement pour de nombreuses années à venir.