Ukraine. La liberté de la presse en danger?

Des pressions systématiques et des tentatives d’influencer la ligne éditoriale

Le média en ligne de référence Oukrainska Pravda a dénoncé la semaine dernière des atteintes à la liberté de la presse

et des pressions qui émaneraient directement de la Présidence.

Ce n’est que la dernière vague d’une série d’inquiétudes et de controverses concernant la liberté de la presse en Ukraine.

Alors qu’en est-il? Dans le contexte de guerre, le politique tente-t-il de museler les médias du pays?

Bonjour à tous c’est Sébastien, bienvenue dans cette vidéo où l’on parle de la situation de la presse et de la liberté d’expression dans une période de concentration des pouvoirs autour de la présidence. 


Mais d’ores et déjà je souligne: il y a beaucoup d’inquiétudes, mais on est loins d’une censure totale de l’Etat.

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Donc la semaine dernière, Oukrainska Pravda a publié un long texte pour dénoncer les pressions exercées par les milieux politiques.

La rédaction parle de pressions systématiques et de tentatives d’influencer la ligne éditoriale du média.

A travers une interdiction pour les fonctionnaires de communiquer avec Oukrainska Pravda,

le boycott des évènements organisés par la rédaction ou encore des tentatives de dissuader les annonceurs de faire apparaître leurs publicités dans Oukrainska Pravda.

La présidence est mise en cause mais pas seulement.

La rédactrice en chef, Sevgil Musaeva, a révélé qu’elle a beaucoup hésité à rendre cette situation publique en temps de guerre.

Mais les pressions se sont accumulées et elle a choisi de prendre la parole publiquement.

Pour elle, la liberté d’expression et de la presse est l’une des valeurs les plus importantes d’une société libre, en particulier à l’heure où le pays lutte contre l’autoritarisme agressif de la Russie.

Du côté de la Présidence, on n’a émis aucun commentaire à ces accusations.

Pour situer, Oukrainska Pravda, c’est un média de référence qui a été fondé en 2000.

Il a une forte tradition d’indépendance, de critique du pouvoir et d’investigation.

Les milieux politiques et oligarchiques ont donc tenté à plusieurs reprises de le réduire au silence.

La rédaction a notamment perdu deux journalistes de premier plan dans des assassinats ciblés. Georgi Gongadze en 2000 et Pavel Sheremet en 2016.

Des affaires qui sont encore non-élucidées à ce jour.

Donc le journal a une autorité morale qui pèse.

Et ses dénonciations s’inscrivent dans la suite d’une série de pressions contre des médias d’investigation, avec des contrôles intempestifs et des filatures injustifiées.

En mai dernier, Reporter sans Frontière a publié son index de la liberté de presse à l’échelle mondiale.

Sur un classement de 180 pays, l’Ukraine se classe 61ème en 2024, par rapport à 79 sur 180 en 2023.

Il y a donc du progrès, mais Reporters sans Frontières dénonce quand même une liberté de la presse en déclin inquiétant.

L’organisation s’alarme néanmoins des conditions de l’autonomie des médias et des pressions politiques sur des journalistes et médias.

qui font donc référence aux pressions que j’ai déjà mentionné, ou encore à la nomination d’un militaire comme chef de l’agence de presse nationale, Ukrinform et évidemment au fait que les journaux télévisés sont unis dans un télé marathon depuis 2022.

La liberté de la presse en Ukraine, c’est un gros sujet depuis l’indépendance en 1991.

Qui reflète les tensions entre la société civile et les groupes oligarchiques, entre les groupes réformateurs et les cercles corrompus, entre les périodes d’ouverture démocratiques et les tentatives d’imposer un régime autocratique, notamment au début des années 2000 et 2010.

Et là en période d’invasion généralisée, de loi martiale et de concentration des pouvoirs aux mains de la présidence, évidemment que cela fait débat.

Cela étant dit, le simple fait que cela fasse débat prouve que l’Ukraine reste une société ouverte et plurielle, avec la possibilité de s’exprimer.

Le marathon des journaux d’information ne s’applique pas à toutes les télévisions ou radios,

sur l’Internet, les sites d’information et d’investigation restent libres

On se rappelle des enquêtes qui ont fait tomber l’ancien ministre de la défense par exemple, ou encore des analyses très détaillées et critiques du dernier remaniement ministériel.

Les journalistes subissent des pressions mais ne sont pas systématiquement traduits en justice pour des motifs fallacieux ou jetés en prison, voire pire, comme le passé d’OUkrainska Pravda nous l’a appris.

Il y a une tendance à la centralisation des pouvoirs qui est bien réelle

elle se caractérise aussi par le style Zelensky, qui a privilégié depuis son élection une communication directe sur les réseaux sociaux.

Il n’aime pas beaucoup interagir avec les journalistes

et encore moins qu’on le critique, mais ça c’est très personnel.

et puis il faut aussi dire que le contexte militaire actuel n’est pas propice à une ouverture du pouvoir, les nouvelles sur le front n’étant pas bonnes,

les perspectives de résolution du conflit restant hypothétiques et l’organisation de futures élections étant interdite par la loi martiale.

Donc on n’est pas dans un contexte de contrôle total de l’information par le pouvoir politique, comme en Russie ou ailleurs, mais l’humeur n’est pas au beau fixe.

Ce qu’il faut voir dans le cas ukrainien, c’est que la dépendance aux pays occidentaux et le processus d’intégration européenne gravent pratiquement dans le marbre la liberté de la presse et d’expression.

Maintenant qu’OUkrainska Pravda a pris la parole publiquement, la rédaction bénéficie du soutien d’acteurs étrangers influents.

Donc il peut y avoir des scandales et des dérives, mais pas de mise au pas systématique.

Ce à quoi les Ukrainiens doivent travailler d’ores et déjà, c’est à édifier des garde-fous pour une fois que l’Ukraine sera dans l’Union européenne ou que la carotte de l’intégration sera moins alléchante. On a vu ce que ça a donné en Hongrie ou en Pologne.

Donc c’est déjà au coup d’après qu’il faut penser.

Merci à vous

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