RFI: Une odeur nauséabonde sur la ville de Lviv

Reportage diffusé dans Accents d'Europe, le 15/11/2012  En Ukraine, la ville de Lviv est connue pour le charme exceptionnel de sa vieille ville, sa modernité et sa très bonne qualité de vie par rapport aux autres régions du pays. Alors quand une odeur nauséabonde se dégage du système d'égouts, ça dérange, d'autant qu'on en ignore les conséquences pour la santé. Quelques habitants commencent à se mobiliser.      Dans une atmosphère de conte de fées, les passants déambulent sur la place Rynok, la place centrale de Lviv, où résonne le son des cloches des églises environnantes et celui des instruments des musiciens de rue. Un ravissement pour les oreilles mais c’est une autre affaire pour le nez : régulièrement, une odeur pesante de renfermé et de moisi envahit toute la vieille ville. Les habitants savent ici que le système de canalisations, construit par l'empire autrichien il y a plus d'un siècle, est désuet et mérite une réorganisation en profondeur. Mais les pouvoirs publics font traîner le problème, alors certains habitants commencent à se mobiliser. Tatiyana Yermak a habité pendant des années à Kiev et à l'étranger. Elle a décidé il y a peu d'emménager à Lviv. Tanya: Pour moi, le principal problème de vivre à Lviv, c'était cette odeur. Je ne m'en suis pas rendu compte au début, là où j'habite, ça ne pue pas tous les jours. Mais j'ai motivé quelques amis sur Facebook, des gens m'ont soutenu, m'ont dit qu'il fallait faire quelque chose. Alors j'ai créé un événement Facebook, et l'événement était public, alors mêmes des gens que je ne connaissais pas s'y sont rajoutés, ont fait passer le mot, et on est allés manifester. Ce que je voulais faire avant tout, c'était attirer l'attention.  Et ça a marché. Quelques dizaines d'habitants participent à la manifestation qu'elle organise en septembre, et l'événement est couvert par les médias locaux. Depuis, la question a été inscrite sur l'ordre du jour du conseil municipal. Zenoviy Bermes, chef de l'association des Employeurs de la région de Lviv, a mené avec d’autres une analyse scientifique du problème. Il dresse un constat simple du problème.  Zenoviy: De manière générale, pendant les 30 dernières années, il n'y a eu aucun effort de la municipalité pour entretenir les canalisations de la ville. D'une part, la municipalité rejette toute la responsabilité sur les entreprises. C'est vrai qu'elles polluent fortement. Mais ce n'est qu'une partie du problème. Dans la plupart des autres grandes villes européennes, les réseaux de collecte des eaux usées et des ordures sont séparés. A Lviv, le système est mixte. Et comme le réseau est à ciel ouvert, il n'en garde pas les fortes odeurs qui s'en dégagent.  En septembre, il a proposé un plan d'action, qui consisterait, entre autres, à rénover peu à peu tous les siphons et les écluses. Un plan rejeté par la municipalité. Conseiller auprès du maire de Lviv, Serhiy Kiral justifie la politique de la ville. Pour lui, c'est au pollueur de payer.  Serhiy:  Nous ne voyons pas d'autre solution. Il faut que les entreprises elles-mêmes investissent dans leur propre système de traitement des eaux usées, à leurs propres niveaux. Jusqu'ici, la plupart des entreprises pensaient qu'il suffisait de donner de l'argent à la municipalité pour améliorer le système de traitement des eaux usées, et s'occuper de tout. Mais ça n'est pas possible. Notre système de collecte des eaux usées, c'est un système en plein air. Recouvrir le système, ce sont des milliards d'investissement, et personne ne va faire faire ça. Et vu que le système n'est pas fermé, si on jette ses eaux usées, le temps que ça rejoigne le centre de traitement des eaux usées, les eaux stagnent et là, ça empeste.  Les négociations sont encore en cours à Lviv entre municipalité et entreprises. Mais pour l'heure, l'odeur est toujours là et les habitants regrettent eux d'être écartés des discussions. Olya est une jeune militante de l'Alliance Démocratique, un mouvement civique qui cherche à interpeller les pouvoirs publiques sur des questions de société. Elle est persuadée qu'on cache quelque chose aux habitants, notamment en terme de santé.  Olya: Nous n'avons pas accès à des informations fiables quant à l'impact de cette odeur sur la santé. Nous ne savons pas combien de personnes sont exposées, nous ne connaissons même pas les risques. Mais nous pouvons voir qu'il y a un risque, pour nos générations et pour les générations futures, pour les femmes enceintes qu'il y a aujourd'hui à Lviv, ceux qui constituent notre jeune société. Cette puanteur a un impact sur notre santé.  Une inquiétude que partage le scientifique Leonid Zdevoruk du cabinet d'analyse « Eko-West » même s’il n’a pas encore toutes les preuves Leonid:  Nous avons parlé à beaucoup de docteurs de la ville, qui expriment tous la même inquiétude pour la santé. Nous n'avons pas de preuves non plus, mais nos analyses des eaux usées ont révélé une concentration remarquablement élevée des gaz Cirkowoden H2S et du méthanethiol CH3SH, qui sont responsables d'allergies notamment.  Au-delà des relations entre municipalité et concitoyens, c'est la réputation de Lviv qui est en jeu. La pollution, les risques sanitaires ne peuvent que peser sur le tourisme et les investissements. La ville ambitionne de devenir une métropole européenne moderne et incontournable dans les années à venir. Mais pour ce faire, elle doit soigner sa réputation, une réputation, pour le moment, aux relents nauséabonds. Ecouter le reportage ici

Previous
Previous

RSE: Hostynny Dvir, une «République» qui fait du bruit en Ukraine

Next
Next

Regard sur l’Est: “Hostinniy Dvir”, une “République” qui fait du bruit en Ukraine